Jusqu'à hier, on déplorait 128 décès parmi les professionnels de la santé. Les deux tiers des victimes sont issus du corps médical, le reste du paramédical. L'augmentation des cas de coronavirus ces derniers jours lève le voile, une nouvelle fois, sur les conditions de travail et le manque de moyens de protection mis à la disposition des personnels soignants. Les médecins, les infirmiers et le reste du personnel soignant affirment qu'ils craignent de se retrouver à la case départ, désarmés face à la Covid-19. Ils réclament, de ce fait, une dotation conséquente en outils de protection contre ce virus qui touche fatalement beaucoup de soignants. À en croire le Syndicat national des praticiens de santé publique, la liste des soignants décédés des suites de la Covid-19 ne cesse de s'allonger. "Jusqu'à hier, l'on déplorait 128 décès chez les professionnels de la santé. Les deux tiers des victimes sont issus du corps médical, le reste du paramédical. Les soignants affectés sont estimés à plus de 5 000, mais à des degrés d'atteinte différents", déplorera le Dr Lyes Merabet, président du SNPSP. Selon lui, c'est un drame qui risque de provoquer encore d'autres dans des hôpitaux submergés et débordés. Des blouses blanches sur le front de lutte contre la Covid-19 explosent de colère face aux équipements de protection et de soin en quantité insuffisante. "En l'absence de protection, de blouses, de combinaisons, de surchaussures, comment allons-nous nous occuper des malades qui déferlent au quotidien", lâcheront des médecins que nous avons pu interroger hier sur cette question lancinante. Un médecin, qui venait de terminer sa garde de 24 heures au CHU Abdenour-Sâadna, lance un cri de détresse quant au matériel de protection. "On ne nous donne ni combinaison, ni surchaussures, mais juste une bavette de type FFP2 pour 24 heures de garde, alors que celle-ci doit être changée après 12 heures de lutte sur le front. On donne sinon 2 bavettes chirurgicales pour 24 heures. Alors que la durée d'efficacité de la bavette chirurgicale ne devrait pas dépasser les 4 heures. Autrement dit, chacun se débrouille comme il peut", dénoncera le médecin résident. Pour ce dernier, les autorités sanitaires sont en train de répéter les mêmes erreurs commises au début de l'apparition de l'épidémie lorsqu'on disait que le système national de santé a été pris de vitesse par cette "fulgurante" maladie virale. Son témoignage illustre bien le sentiment d'indignation qui s'est emparé des professionnels de la santé. Ce sentiment de colère est partagé par d'autres soignants mobilisés dans les hôpitaux du centre du pays. Des soignants de l'EPH de Rouiba et du CHU de Bab El-Oued alertent que les stocks de protection dans les pharmacies ont nettement baissé ces jours où l'épidémie est en train de s'emballer. "Le niveau des stocks de la pharmacie est en dessous des 20%", déplorera un médecin spécialiste exerçant à l'est d'Alger. L'unique hôpital qui fait l'exception dans la région d'Alger est, selon des témoignages des médecins, le CHU Issad-Hassani de Béni Messous où tous les outils sont mis à la disposition du personnel soignant. En fait, les employés du système national de santé ne cherchent rien d'autre qu'à être mieux protégés pour bien s'acquitter de leur mission de premier rempart contre la pandémie. Le cadre syndical du SNPSP interpelle les autorités sanitaires pour assumer pleinement leurs responsabilités et honorer leur engagement pris au lendemain de l'apparition de la pandémie. "Beaucoup de soignants ne disposent même pas du minimum de protection dans les unités dédiées à la Covid. Des solutions doivent être trouvées pour protéger les soignants du front de lutte. On doit faire en sorte de casser la chaîne de transmission du virus", alertera le Dr Merabet. À défaut, la contamination du personnel soignant risque de provoquer des situations dramatiques dans les hôpitaux surchargés et ayant beaucoup de leurs membres affectés. En attendant que la Covid-19 soit reconnue maladie professionnelle, le Syndicat des praticiens de santé publique interpelle le gouvernement sur les raisons de la suppression du droit au congé spécial pour les professionnels de la santé. "L'on se demande pourquoi les médecins et autres ne bénéficient pas de congé spécial, à l'instar des autres corps professionnels atteints de Covid-19", conclura le Dr Merabet.