Figure emblématique du mouvement populaire, le "Hirak", le militant politique et coordinateur de l'UDS (parti non encore agréé), Karim Tabbou, devra prendre son mal en patience. Près de quatre mois après sa sortie de prison, il ne peut animer ni conférence de presse ni participer à des rassemblements politiques et encore moins disposer de son passeport. Réclamée hier par son collectif de défense au tribunal de Koléa où il devait comparaître, la levée de ces restrictions imposées en septembre 2019 par la chambre d'accusation de la Cour de Tipasa, dans le cadre de son placement sous contrôle judiciaire, a été rejetée par la juge. "Le procès ne s'est pas encore tenu", a-t-elle dit hier, en matinée, de façon expéditive, à l'adresse des avocats peu après avoir annoncé le report, pour la septième fois consécutive, du procès, invoquant des "raisons de santé". Une décision que peinent à s'expliquer ses avocats d'autant que les faits pour lesquels Karim Tabbou est poursuivi, à savoir "atteinte au moral de l'armée" et "atteinte à l'unité nationale", sont quasiment similaires à ceux pour lesquels il a été condamné en mars dernier à un an de prison ferme avant d'être remis en liberté en juillet dernier. "Nous nous sommes préparés pour le procès, mais nous avons été surpris par la décision de la juge qui a évoqué des raisons de santé pour justifier ce report. Nous avons demandé la levée des restrictions, mais elle a refusé. Nous nous demandons, dès lors, si ce report n'est pas lié au référendum sur la Constitution", explique à Liberté, Me Ahmed Ammi, un des membres du collectif de défense. "Les échéances politiques ont-elles eu raison du travail judiciaire ? Ne s'agit-il pas d'un chantage sur Karim Tabbou en lui interdisant de s'exprimer ?", s'interroge-t-il en qualifiant le refus de la levée du contrôle judiciaire comme "une provocation politique", à travers "l'instrumentalisation de la justice". "Il est apparu aujourd'hui que la justice obéit à des décisions politiques. Si la juge a le droit de renvoyer le dossier, en revanche, il n'y a aucune raison le justifiant. Tabbou est interdit de faire de la politique, d'animer des conférences, puisqu'il n'est pas encore jugé. Ce dossier de Koléa prouve que c'est pour le priver de faire de la politique", estime, pour sa part, Me Toufik Belalat. L'avocat se dit "déçu" vu qu'au moment où l'on parle de l'indépendance de la justice et du respect des droits, il y a toujours des "poursuites" contre des Algériens pour leurs "idées et leurs critiques contre le régime". "Pour garantir un procès équitable, il faut que la justice sorte des mains de la politique", reprend Me Ammi. Arrêté devant sa maison à Douéra, sur les hauteurs d'Alger, le 11 septembre 2019, Karim Tabbou est placé le lendemain en détention sur ordonnance du juge d'instruction. Mais deux semaines plus tard, la chambre d'accusation de la Cour de Tipasa décide d'annuler cette ordonnance et le remet en liberté provisoire. Depuis, il attend d'être fixé sur son sort. Il est poursuivi en vertu des articles 74 et 79 du code pénal, soit "atteinte au moral de l'armée" et "atteinte à l'intégrité du territoire national". Son procès est fixé au 16 novembre prochain.