Plus de 50 000 commerçants ont mis la clé sous le paillasson durant cette année en raison de la pandémie de la Covid-19. Ce chiffre a été livré hier par le président de l'Association nationale des commerçants et artisans (Anca), Hadj-Tahar Boulanouar, qui a expliqué que les commerçants ont eu recours à ce choix en raison des pertes financières énormes qu'ils ont enregistrées après la fermeture de leurs commerces, mais aussi des réticences des citoyens à acquérir certains produits. C'est là, en effet, l'une des conséquences directes de la propagation de la pandémie et, par conséquent, des mesures de confinement prises par le gouvernement dont la dernière s'est bornée à une limitation du temps d'activités pour certains commerces jugés "non essentiels", notamment, les restaurants, les cafés, les salons de coiffure et les pâtisseries. Pour les commerçants, l'année 2020 aura été marquée par des retombées économiques négatives. Ainsi, des commerçants que nous avons rencontrés hier lors d'une virée à El-Achour, sur les hauteurs d'Alger, estiment que cette mesure va précipiter nombre d'entre eux dans la pauvreté. Akaïfa Bachir, restaurateur de son état, cache mal sa colère. "Après tant de mois de fermeture, cette nouvelle décision, c'est comme si le ciel nous tombait sur la tête. J'avais 8 employés, que j'ai fini par renvoyer, faute de pouvoir les payer convenablement. Mon chiffre d'affaires a dégringolé pour se situer autour du quart de ce que je réalisais en temps normal", a-t-il indiqué. La gorge nouée, il enchaîne : "Je ne pourrai même pas rentrer dans mes frais en fermant la boutique à 15h, puisque d'abord, je loue le local à 20 millions de centimes par mois, et si j'ajoute les 150 millions que j'ai investis pour la rénovation des lieux et les 300 millions de pertes que j'ai enregistrés durant la précédente fermeture, cela fait un total de 450 millions de pertes sèches. C'est la galère, donc." Un pâtissier explique que la décision est peu appropriée à son métier, puisque "c'est à partir de 15h que le véritable travail commence pour nous. Par exemple, c'est l'après-midi que nous écoulons les salés de la matinée ; que faire sinon réduire la quantité de production et notre gain avec ?", s'est-il interrogé. En se disant abasourdi par cette mesure, Mohcine Bouras, un cafetier, a estimé que "si nous devons fermer 15 jours, nous n'en disconvenons pas, à condition que l'Etat compense nos pertes". Une décision peu appropriée L'avis est partagé par d'autres commerçants qui sont loin de comprendre la portée d'une décision qui touche certains et pas d'autres. Ahcène, 54 ans, gérant du "Restaurant de l'Est", se demande : "Pourquoi fermer les restaurants, les cafés et les pâtisseries à 15h, et laisser tout le monde circuler et se mêler les uns aux autres dehors jusqu'à 20h ? Pour nous, elle est non seulement inefficace, mais aussi elle mène à la ruine de commerçants. D'ailleurs, ceux qui ont essayé d'ouvrir leurs boutiques hier ont enregistré une chute drastique de leurs revenus, à l'exemple d'un restaurateur qui gagne d'habitude 20 millions de centimes par jour, et qui a récolté à peine 6 000 DA." Interrogé à son tour, le secrétaire général de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), Hazeb Benchohra, tout en rappelant "l'impact négatif de ce genre de décision", a estimé qu'en ces moments difficiles, son organisation "est obligée d'accepter cette décision, tout en minimisant les dégâts". "Si certains commerces doivent arrêter complètement leur activité, qu'ils le fassent, à condition d'être ensuite indemnisés par le gouvernement. Et pour d'autres commerces qui ferment à 15h, le citoyen finira par s'adapter au bout de 2 ou 3 jours, en réglant ses affaires avant cet horaire", a-t-il affirmé. Et "face au gouvernement qui a tenu ses premiers engagements en aidant les commerçants, l'UGCAA se positionne en tant que force de proposition pour sauvegarder les intérêts des commerçants, des citoyens et de l'Etat". Dans ce cadre, "les engagements concernant l'aide de l'Etat de 30 000 DA aux commerçants victimes du Covid ont été tenus dans la plupart des wilayas, mis à part dans certaines où l'administration a fait du zèle en dressant des entraves bureaucratiques". "En tout cas, s'agissant de la condition d'être à jour avec les cotisations dues à la Casnos, nous avons préconisé que l'aide de l'état aille directement à la Caisse des non-salariés en guise de paiement de deux années de travail pour la retraite et la couverture sociale pour la carte Chifa, pour les commerçants et les ayants droit, surtout pour les malades chroniques", conclut-il.