Pour l'une des figures les plus en vue du Hirak, derrière cette position du président français "se cache de façon pernicieuse l'idée que les pays du Sud en général et l'Algérie en particulier sont à portée de main, politiquement vulnérables et inaptes à la démocratie". Dans une longue lettre adressée au président français Emmanuel Macron, Karim Tabbou, figure emblématique du Hirak, a dénoncé des propos qui "démontrent que la position officielle de la France à l'égard de l'Algérie est restée inchangée". "Mais plus encore, ils réaffirment l'attachement viscéral des autorités françaises à l'idée que le pouvoir algérien reste et demeure un allié incontournable et prétendument seul garant de la stabilité de l'Algérie", écrit Tabbou dans cette lettre publiée sur le compte facebook de son frère. Dans un entretien accordé vendredi au magazine Jeune Afrique, le chef de l'Etat français avait exprimé ouvertement son soutien au président Tebboune qu'il qualifie de "courageux" et s'est engagé à le soutenir durant cette "période de transition". Pour l'une des figures les plus en vue du Hirak, toujours sous contrôle judiciaire pour une des affaires pour lesquelles il est poursuivi, derrière cette position du président français qui a affiché publiquement son appui à Abdelmadjid Tebboune, "se cache de façon pernicieuse l'idée que les pays du Sud en général et l'Algérie en particulier sont à portée de main, politiquement vulnérables et inaptes à la démocratie". "Pour la France, les régimes du Sud ne sont là que pour servir de postes avancés et de sous-traitants", estime-t-il. "C'est pour ces raisons liées à la défense des intérêts stratégiques de la France, que vous continuez, (...), au mépris de toutes les valeurs de justice, de liberté et de démocratie que vous proclamez, d'apporter votre inconditionnel soutien aux régimes dont les caractéristiques sont la manipulation du suffrage universel, la répression comme système de gouvernance et la corruption comme moyen de légitimation politique", écrit encore le militant politique. L'autre question qui a inspiré Karim Tabbou à écrire au chef de l'Etat français est l'évocation, par ce dernier, d'une "transition politique" que mènerait le pouvoir actuel. Cette attitude "est une insupportable moquerie envers tous ces citoyens qui ont subi dans leur chair les plus graves injustices et l'arbitraire le plus abject", s'indigne le coordinateur de l'Union démocratique et sociale (UDS) en attente d'agrément. "Ce que vous qualifiez de processus de transition n'est en réalité qu'une contre-révolution inspirée et menée afin d'empêcher les Algériennes et les Algériens d'accéder à leur droit à l'autodétermination. Vous ne pouvez ignorer ces rassemblements au cours desquels des millions d'Algériens ont scandé ‘le peuple veut l'indépendance', dans toutes les villes algériennes, les capitales occidentales et notamment place de la République à Paris", écrit Tabbou qui rappelle que des milliers de militants, de jeunes et des journalistes ont été arrêtés, voire mis en prison. Pis encore, Karim Tabbou considère que le soutien affiché par Emmanuel Macron à Abdelmadjid Tebboune est "une intrusion dans le débat interne à l'Algérie". C'est "une implication directe dans les luttes souterraines qui opposent les différents clans du pouvoir. Des batailles qui ont, non seulement bloqué les processus de transition démocratique tels que revendiqués par le peuple, mais qui risquent aussi d'hypothéquer l'avenir de générations entières", souligne encore Karim Tabbou qui rappelle que "les Algériens ne veulent plus d'aucun arrimage ni à l'Orient, ni à l'Occident, ni à tout autre lieu où se côtoient les réseaux de tout genre".