Les Européens opposent leur sécurité énergétique aux arguments politiques des Etats-Unis qui, en cette période de crise, cherchent des débouchés sur un marché gazier très concurrentiel. La relance prochaine du projet du gazoduc russe Nord Stream 2 a provoqué de nouvelles tensions entre les Etats-Unis, la Russie et les pays européens qui cherchent à garantir leur sécurité énergétique, loin des considérations géopolitiques que Washington fait valoir pour placer ses produits pétroliers et gaziers sur le marché européen. Réagissant aux pressions américaines sur l'Allemagne concernant ce projet, Moscou a dénoncé "une agression politique" des Etats-Unis contre la Russie. "Les pipelines russes, quels que soient leur destination, l'époque où ils sont installés ou les traités qui les légitiment, suscitent depuis des décennies toujours la même réaction de la part des Etats-Unis : l'agression politique et l'opposition illégale", a dénoncé la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères dans un post sur les réseaux sociaux. "Je voudrais dire à Washington : ‘Vous ne pouvez pas jouer contre les règles. Si vous voulez être un acteur responsable dans l'économie internationale, vous devez respecter les règles.' [...] Le temps a renvoyé aux Etats-Unis leur propre appel", a-t-elle ajouté, reprenant les propos tenus par l'ancienne secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, en 2006. La Commission européenne a annoncé le 4 décembre s'opposer aux efforts des Etats-Unis pour renforcer les sanctions visant le Nord Stream 2, a déclaré à Sputnik Peter Stano, porte-parole de l'instance. D'après elle, "l'application extraterritoriale des sanctions va à l'encontre du droit international. La politique européenne est définie en Europe, et non dans les pays tiers". "Le moment est venu pour l'Allemagne et l'UE d'imposer un moratoire sur la construction du gazoduc", prévient Robin Quinville dans le quotidien économique Handelsblatt. Nord Stream 2, dont la mise en service était initialement prévue début 2020, est un gazoduc censé doubler les capacités de livraison de gaz russe de son aîné Nord Stream 1, opérationnel depuis 2012, et garantir la sécurité des approvisionnements de l'Europe occidentale via la mer Baltique. Le projet associe principalement le géant russe Gazprom à cinq groupes européens : le français Engie, les allemands Uniper et Wintershall, l'autrichien OMV et l'anglo-néerlandais Shell. Bien que ses 1 230 kilomètres soient quasiment terminés, le projet avait été brutalement interrompu en décembre 2019 après que les Etats-Unis eurent décidé de sanctionner les entreprises engagées dans le projet. Seuls 6% du gazoduc restent à achever, selon Nord Stream 2, soit 120 km dans les eaux danoises et 30 km en eaux allemandes. Le gouvernement allemand n'attend d'ailleurs pas de changement fondamental avec l'entrée en janvier à la Maison-Blanche du démocrate Joe Biden. "Nous ne nous faisons pas d'illusions à ce sujet. Il n'y a guère de différences d'opinion entre les républicains et les démocrates", a ainsi admis samedi le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, dans l'hebdomadaire Der Spiegel. "Mais là aussi, un nouveau ton et une forme différente de débat nous aideront à progresser", veut croire le ministre allemand.