C'est à l'issue de deux heures de marche que les collégiens arrivent essoufflés à leur CEM. Toukacht est un hameau très enclavé au milieu d'une vaste plaine, jadis agricole traversée par une piste quasi inaccessible aux véhicules. Renfermant une vingtaine de maisons précaires et abritant quelques centaines d'habitants, ce petit village oublié “s'isole” sur une vingtaine de kilomètres du chef-lieu de l'APC d'Aït Yahia, auquel il a été affilié. D'ailleurs après le découpage administratif de 1984, il vivote dans un dénuement total. Si le silence et l'indifférence règnent en maîtres absolus chez les autorités locales qui “ne se rappellent au fait de l'existence de ces citoyens qu'au besoin d'une campagne électorale”, dira T. A., un agriculteur au chômage, ajoutant que “ce qui nous agace encore plus est la situation on ne peut plus précaire qu'endurent nos enfants écoliers qui doivent effectuer un véritable parcours du combattant pour ne pas manquer à l'école”. En effet, une quinzaine d'élèves, collégiens, doit faire une trotte de deux heures, minimum, à pied pour rejoindre le CEM de Tagounits, car privée de transport public ou privé, encore moins de ramassage scolaire. “Nous avons tant souhaité qu'un jour nos responsables se penchent un peu sur nos préoccupations en nous accordant un minibus pour mettre fin au calvaire quotidien de nos enfants qui, la plupart du temps, n'arrivent pas à franchir le seuil du lycée”, révélera Dda Mohand, un parent d'élèves qui estime qu'“au lieu de nous accorder la prime de 2.000 DA d'aide, prime dont "profitent" même les nantis, les instances concernées auraient pu baisser les prix onéreux des livres, manuels et autres articles scolaires auxquels s'ajoutent d'autres frais”. En tout état de cause, ceux qui sont contraints de rester à Toukacht ne cessent de payer des factures onéreuses en attendant d'éventuels départs en ville, pour les fortunés, la majorité vivant à Azazga, Aïn El Hammam ou Tizi Ouzou. Pour ces écoliers, la crainte de l'exclusion, l'oisiveté qui les guettent, l'exploitation et le chômage en cas d'échec scolaire… les incitent à redoubler d'efforts pour réussir. En attendant d'éventuelles mesures efficaces qui allégeraient un tant soit peu leurs déplorables conditions, ces enfants oubliés continuent de résister “pour éviter le pire”, pensent-ils. Limara B.