Le village de Toukacht dans la commune d'Aït Yahia est, sans nul doute, le plus déshérité et le plus enclavé de la wilaya de Tizi Ouzou. Les habitants de cette bourgade de l'Algérie profonde, continuent, 43 ans après l'indépendance, de souffrir le martyre en raison de l'absence de toutes les commodités nécessaires pour une vie décente. Les citoyens de cette bourgade font, d'ailleurs, face à bon nombre d'aléas qui rendent leur quotidien de plus en plus infernal. Le tableau est noir. La population ne cesse de subir le cruel destin au fur et à mesure que son calvaire perdure. Dépourvue de toutes les infrastructures de base, les habitants de cette contrée oubliée, se sentent délaissés par les pouvoirs publics qui n'ont, jusque-là, rien fait pour faire sortir cette localité du ghetto. L'unique route desservant ce village est difficilement carrossable; poussiéreuse en été et boueuse au point même de faire sombrer la région dans un enclavement total durant les périodes d'intempéries puisque la chaussée ressemble beaucoup plus à une piste agricole. Pire encore, l'école primaire étant dans un état de délabrement avancé, les enfants de Toukacht se déplacent quotidiennement, matin et soir, vers le village Takana, à 5 km, où ils sont scolarisés. Ainsi, les élèves de cette localité font, chaque jour, le parcours du combattant, sous les multiples affres des saisons, afin d'acquérir un savoir. Il en est de même pour les collégiens qui, eux aussi, sont dépourvus de ramassage scolaire. Ils parcourent, de ce fait, un trajet de plus de 10 km afin de rejoindre leurs classes. «Durant les périodes de fortes pluies, les élèves ne partent pas à l'école. Ils restent chez eux puisque le transport fait cruellement défaut. Je voudrais ajouter également que cette situation a hypothéqué la scolarité de beaucoup de brillants enfants du village. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui ont laissé tomber car, aujourd'hui, les études sont plus chères. Il y a seulement un étudiant dans notre village. Celui-ci, sa situation familiale oblige, ne vient que durant les vacances d'été», clame avec amertume un père de famille qui déplore l'indifférence de l'Etat à l'égard des citoyens de ce patelin qui n'ont bénéficié d'aucun projet d'intérêt général depuis la nuit des temps. Hormis l'électricité qui couvre pratiquement tout le village, l'assainissement, le réseau AEP sont inexistants. Les riverains puisent de l'eau à partir de la rivière. Cela sans parler du chômage endémique qui touche 71% de la population. «Ici, contrairement à ce que dit l'adage, les jours se suivent et se ressemblent. Les jeunes, sans emploi, sont livrés à leur sort sans aucune perspective d'avenir. Il y a ceux qui s'investissent dans l'élevage mais, sans pour autant arriver à joindre les deux bouts étant donné que le manque d'eau compromet toujours leur travail», nous dira un vieux ridé et voûté, à peine capable de marcher. Selon lui, le village n'a jamais bénéficié des aides à l'autoconstruction qu'accorde l'APC aux familles démunies alors que la quasi-totalité des foyers sont des taudis invivables. «On est des morts mais sans acte de décès. Personne ne pense à notre sort. On n'a pas d'habitation. Il y a des familles de plus de dix personnes habitant une seule pièce qui laisse à désirer. C'est le vide béant. La vie ici, à Toukacht, est plus que difficile. Il faut aussi savoir qu'à défaut d'une salle de soins, nous nous déplaçons sur plus de 10 km pour une simple injection. C'est une misère qui ne dit pas son nom car le calvaire a atteint son paroxysme et les autorités locales font toujours la sourde oreille à nos doléances», ajoute un autre père de famille. Enfin, une chose est sûre, les habitants de Toukacht n'attendent qu'un geste salutaire des pouvoirs publics, leur permettant de voir le bout du tunnel et venir à bout d'un calvaire qui dure depuis la nuit des temps.