De toutes les auditions que le juge a menées uniquement en une journée et demie, seul le passage à la barre du P-DG de KouGC a fait exception. Ce qui ne permet pas de comprendre les tenants et les aboutissants d'une affaire dont les tentacules s'étendent sur plusieurs secteurs d'activité. Le procès en appel des frères Kouninef qui s'est ouvert mercredi après-midi à la cour d'appel d'Alger risque de ne pas permettre de faire toute la lumière sur tous les tenants et les aboutissants de ce lourd dossier. La célérité avec laquelle l'affaire est traitée montre comme une volonté d'expédier le procès. Cette façon de faire tend-elle à empêcher de nouvelles révélations sur le procédé des Kouninef de siphonner le Trésor public à travers leur main mise sur la commande publique durant plusieurs années ? De toutes les auditions que le juge a menées uniquement en une journée et demie, seul le passage à la barre du P-DG de KouGC, Keddour Ben Tahar, a fait exception. Tous les autres accusés ont été auditionnés avec un certain empressement, à l'image des cadres de l'Aniref, des ressources en eau, des ports... Face au juge, les autres prévenus dans l'affaire n'ont même pas eu assez de temps pour apporter leurs versions respectives des faits. Cette même célérité s'est confirmée par l'ouverture, à bride abattue, des plaidoiries au second jour du procès. À la barre, le P-DG de KouGC, contrairement aux trois frères Kouninef, a fait face à des questions plus au moins insistantes. Ben Tahar Keddour, qui a choisi "le silence" face aux interrogations du juge et du procureur, n'a apporté aucun nouvel élément. Toutefois, ses multiples tentatives de botter en touche ont confirmé que la gestion de KouGC était loin d'être transparente. "Qui signait les chèques pour le retrait de l'argent ?", a interrogé le juge, avant que Ben Tahar ne confirme qu'il était "le signataire", mais "jamais l'ordonnateur". Le juge voulait en fait savoir qui transférait l'argent à l'étranger. Ben Tahar a confirmé également qu'il était "gérant" de plusieurs entreprises appartenant au groupe KouGC, mais "il n'avait aucun pouvoir de décision". "Je ne détiens aucune information sur ces entreprises", n'a-t-il cessé d'arguer. Devant le juge, celui qui ne détenait aucune information notamment comptable sur le groupe savait, néanmoins, que "les bénéfices" qu'engrangeait le groupe KouGC "sont réinvesties", dont une partie était consacrée au "remboursement des prêts contractés par leur défunt père". Face à cette dérobade, les déclarations de Ben Tahar ont été confrontées à celles des frères Kouninef qui ont affirmé que "c'était Ben Tahar qui décidait de tout", y compris "de leurs salaires". "J'ai demandé au P-DG de l'argent, il m'a dit qu'il ne pouvait rien me donner jusqu'au versement des salaires", avait, en effet, témoigné l'un des frères Kouninef lors de son audition au premier jour du procès. Pour le P-DG, "sa décision n'était autre qu'une application de la loi". "Je ne peux pas signer des chèques sans savoir où partait l'argent", a-t-il répondu à une question du procureur. Il faut rappeler que lors des auditions des trois frères Kouninef, ces derniers ont rejeté les accusations portées contre eux, considérant qu'ils sont victimes. Leurs auditions n'ont pas permis à l'assistance de comprendre comment les Kouninef faisaient main basse sur des secteurs entiers, afin d'accaparer les projets. Furtivement, le juge a, comme le procureur, évoqué le contentieux avec Algérie Télécom (Mobilink), la reprise de Cogral, les projets dans le secteur de l'énergie, notamment avec Sonelgaz, les concessions dans les ports et dans les zones industrielles, le financement de la campagne de Bouteflika à hauteur de 40 millions de dinars... IIndépendamment de la célérité avec laquelle la cour a décidé de traiter l'affaire des frères Kouninef, le procureur général n'a pas été tendre avec les accusés. Ainsi, il a requis des peines allant de 10 à 18 ans de prison ferme, assorties d'une amende de 8 millions de dinars avec la saisie des biens à l'encontre des frères Kouninef et de Keddour Ben Tahar, gérant du groupe KouGC. 18 ans de prison ferme assortie d'une amende de 8 millions de dinars a été, en effet, requise à l'encontre de Réda Kouninef. Une peine de 15 ans de prison ferme assortie d'une amende de 8 millions de dinars a été requise contre Karim-Abdelkader et Tarek-Noah Kouninef, alors qu'une peine de 10 ans de prison ferme assortie d'une amende de 8 millions de dinars a été requise contre Keddour Ben Tahar. En première instance, Réda Kouninef avait été condamné à une peine de 16 ans de prison ferme, Tarek Kouninef avait écopé de 15 ans de prison ferme. Abdelkader Kouninef avait, quant à lui, été condamné à 12 ans de prison ferme. Le tribunal avait également condamné Souad Kouninef (actuellement à l'étranger) à une peine de 20 ans de prison. Le gérant du groupe KouGC, Keddour Ben Tahar, avait été condamné à 8 ans de prison ferme.