Déjà paralysée par le passé, sous le poids asphyxiant du règne de l'ancien président déchu Abdelaziz Bouteflika, la vie politique du pays a franchement marqué un arrêt net en 2020. L'année 2020 devait être riche en événements, mais elle a été une page blanche sur le plan politique. L'élection présidentielle du 12 décembre 2019, qui devait pourtant inaugurer une année politique intense en activités, n'a pas tenu ses promesses. Déjà paralysée par le passé, sous le poids asphyxiant du règne de l'ancien président déchu Abdelaziz Bouteflika, la vie politique du pays a franchement marqué un arrêt net en 2020. Facteur aggravant, l'apparition, début mars, de la crise sanitaire liée à la pandémie du nouveau coronavirus, n'a fait que plomber davantage la vie de tout le pays sur le plan politique, social et économique. À peine donc si l'année 2020 a été marquée par quelques dates saillantes, à l'instar de la nomination du gouvernement Abdelaziz Djerad, le 2 janvier, ou encore du "débat" sur le projet de la nouvelle Constitution, présenté par ses promoteurs comme une étape cruciale devant inaugurer, après sa soumission à référendum, une nouvelle ère en Algérie. Encore ici, et s'agissant justement du débat souhaité autour de la révision de la loi fondamentale, d'aucuns pensent que ce dernier n'a tout simplement pas eu lieu. Distribuée au mois de mai aux partis politiques, aux syndicats, ou encore aux acteurs de la société civile pour l'enrichir, la nouvelle mouture de la Constitution n'a pas suscité, c'est le cas de le dire, un grand intérêt auprès des Algériens, comme souhaité par le pouvoir en place. Pis encore, la mouture de la nouvelle Constitution, soumise par la suite à un référendum, le 1er novembre dernier, a permis de réveiller chez les conservateurs les démons identitaires, en raison, notamment, de l'article 4 stipulant que "tamazight est également langue nationale et officielle". Les courants islamistes, se rappelle-t-on, ont émis des réserves et critiques virulentes vis-à-vis de cet article qui a provoqué aussi le courroux des partisans de la langue arabe comme seule langue nationale et officielle. Le Mouvement de la société pour la paix (MSP) mobilisera, à ce propos, ses troupes, en les appelant à voter contre le projet de révision constitutionnelle. Le président du parti, Abderrezak Makri, critiquera violemment l'inscription de la langue amazighe comme principe intangible, c'est-à-dire que son statut de langue nationale et officielle ne peut être remis en cause en cas de nouveaux amendements de la loi fondamentale. Un autre parti de la mouvance islamiste, El-Adala, a, lui aussi, appelé au rejet, en bonne et due forme, du projet de réforme constitutionnelle, en mettant en avant "le danger" que fait encourir la reconnaissance d'une autre langue à "l'unité nationale". Le président d'El-Adala, Abdallah Djaballah, ira même jusqu'à prétendre que l'Algérie était le seul pays au monde qui s'apprêtait à officialiser deux langues, suscitant l'ire d'une grande partie des Algériens qui n'ont pas manqué d'ailleurs de se moquer de lui sur les réseaux sociaux. En dehors de cette polémique, la révision de la Constitution, présentée par le président Abdelmadjid Tebboune comme le socle de son projet de société pour la "nouvelle Algérie", n'a pas suscité de débat de fond au sein de l'opinion, en dépit de la machine médiatique, publique, notamment, déployée par les pouvoirs publics pour faire la promotion de celle-ci. Elle sera, d'ailleurs, rejetée en bloc par les partis de l'opposition qui ont remis en cause tout le processus politique mis en œuvre par le "régime". Le FFS, le RCD, le PT ou encore le PAD (regroupement de plusieurs formations politiques et d'acteurs de la société civile), qui plaident pour un processus politique constituant et transitoire, ont rejeté, dans le fond et dans la forme, ce qu'ils ont considéré alors comme un "énième triturage de la loi fondamentale". Le temps leur donnera raison puisque, quelques mois plus tard, le rejet de la nouvelle Constitution s'exprimera massivement lorsque celle-ci a été soumise à un référendum le 1er novembre 2020. Les prémices de ce désaveu politique sont, d'ailleurs, apparues dès le lancement, quelques semaines avant le jour fatidique, de la campagne référendaire qualifiée par certains analystes et commentateurs politiques de fiasco. Fade et sans relief, cette campagne, organisée dans un contexte de forte répression contre des figures du Hirak et des journalistes, n'a pas suscité l'engouement des Algériens dont beaucoup ont dénoncé, par ailleurs, le deux poids, deux mesures du pouvoir consistant à autoriser aux partisans du référendum de tenir meetings et rassemblements, alors que l'opposition s'est vu interdire d'occuper l'espace public et médiatique, afin de mener sa campagne anti-référendum. Une tentation autoritaire qui s'est déjà exprimée avant lorsque plusieurs partis de l'opposition, dont le RCD, le PT, le MSP, ainsi que les partis de l'alternative démocratique ont fait les frais d'une interdiction de tenir leurs réunions organiques. Mais même en bâillonnant toutes les voix discordantes, le régime n'a pas su, trois semaines durant, convaincre les Algériens de se rendre aux urnes et exprimer leur voix sur la nouvelle Constitution. Les résultats du référendum, organisé le 1er novembre, une date qui marque l'anniversaire du début de la Guerre d'indépendance contre la puissance coloniale française, a été sans appel. Un pur fiasco politique. Plus de 77% des citoyens, parmi les 25 millions constituant le corps électoral, ont boycotté cette élection. Un plus bas historique pour un scrutin censé jeter les fondations d'une nouvelle Algérie. Cette abstention record a constitué, selon plusieurs observateurs de la scène politique algérienne, un désaveu cinglant, sinon "humiliant", pour un régime confronté depuis février 2019 à un soulèvement populaire inédit, le "Hirak". Selon d'autres observateurs, le référendum n'a, d'ailleurs, fait qu'aggraver les blocages politiques déjà en place. Avec, en plus, la maladie du président de la République, grand absent du scrutin du 1er novembre, la vie politique du pays a tout simplement été mise en veilleuse. L'absence d'Abdelmadjid Tebboune, hospitalisé pendant deux mois en Allemagne, avant de regagner le pays, mardi, a sérieusement impacté la vie institutionnelle du pays dans les dernières semaines de l'année 2020, donnant l'image d'un pays tournant au ralenti et sans perspectives.