Entourée des collines de Sidi Ammar, le quartier Sonade de Chaïba abrite la misère la plus sordide : pas d'eau, pas de gaz ni de réseau d'assainissement, rien que des baraques en zinc aux toits recouverts de bouts de tôle, alourdis par de grosses pierres pour les empêcher de s'envoler les jours de tempête. C'est là que vivent, dans des conditions extrêmes, cuisant sous la tôle l'été, et gelant en hiver, une cinquantaine de familles dont la majorité est dans un dénuement complet. De nombreux pères de famille sont chômeurs et bricolent à la petite semaine sur les chantiers comme tâcherons, quelques jours par mois selon la disponibilité. En tout cas, pas assez de quoi faire vivre décemment leurs enfants. Des enfants qui doivent faire, en tout, plus de douze km de pistes, à pied, chaque jour que Dieu fait, par tous les temps pour se rendre en classe. Une véritable épreuve. Ahmed, la quarantaine, 4 enfants, qui est venu chercher son petit garçon à l'école, nous raconte sa misère : “J'habite à la Sonade depuis quinze ans, et je ne me fais plus aucune illusion. Je n'attends plus rien, j'ai enterré depuis longtemps tout espoir d'obtenir un jour un logement décent pour ma famille. Mon tour ne viendra jamais car, quand il y a des distributions de logements sociaux, les baraques vidées ne sont jamais détruites, elles sont revendues sous le manteau à 20 000 ou 30 000 DA. Les nouveaux locataires se mettent aussitôt à postuler pour un logement. Et ils arrivent à l'obtenir, nous laissant toujours là, moi et certains de mes voisins. Cela dure depuis 1980.” Nous apprenons qu'une baraque vient d'être vendue, récemment, à un homme originaire de la wilaya de Jijel, et qui veut venir habiter à Annaba, utilisant ce moyen pour obtenir un logement, au détriment de ceux qui attendent depuis des lustres. Pour cet homme en guenilles près duquel trotte un pâle garçonnet chétif, portant sur le dos un lourd cartable. Les autorités ne viennent que très rarement leur rendre visite, faisant mille promesses. Jamais tenues. Même la sadaqa boude ce quartier maudit. Ahmed avoue avoir reçu, en quinze ans, un sac de semoule et un bidon d'huile à l'occasion d'un vote pour les municipales. “J'ai beau m'inscrire sur les listes des pauvres de la commune, je n'ai jamais rien obtenu. Les dons sont souvent distribués à certains qui ne sont pas dans le besoin.” Des hommes et des enfants, poussant des brouettes chargées de jerricanes, traversent le sentier pour atteindre la route qui mène au marché de gros. C'est là, à un demi-kilomètre de la Sonade, qu'ils vont puiser l'eau de la fontaine la plus proche, située dans la commune d'El Bouni. “En hiver, les chemins deviennent impraticables, et les brouettes s'enfoncent dans la boue. Nous vivons un véritable calvaire au quotidien, sans parler de ceux qui sont malades et qui ne peuvent faire la corvée de l'eau. Ceux-là n'ont que leurs yeux pour pleurer sur leur sort.” Rappelons que la plupart des mineurs délinquants sont originaires des quartiers pauvres de cette commune. Leurs parents, selon les révélations de la police, les envoient mendier pour “gagner leur pitance” dans les rues de Annaba, les exposant, en connaissance de cause, aux plus grands dangers. Certains ne dépassent pas l'âge de huit ans. Hafiza M.