Le 4e jour du procès du financement de la campagne du 5e mandat a donné lieu à de nouvelles révélations. Chargé par Saïd Bouteflika de la récolte des fonds, le patron de l'ETRHB, Ali Haddad, a vu défiler dans son bureau, de nombreux hommes d'affaires qui lui remettaient de grosses sommes d'argent. Mazouz, Larbaoui, Metidji, entre autres, ont remis, selon Haddad, de l'argent sous forme de chèques ou en cash. Des hommes d'affaires munis de gros chèques qui se bousculent devant le bureau de l'ancien président du FCE, Ali Haddad, pour financer la campagne électorale d'Abdelaziz Bouteflika en 2019, de l'argent cash, compté par dizaines de milliards enfouis dans des sacs et qui font des allers-retours entre le siège de la direction de campagne du président déchu, à Hydra, et le siège du groupe ETRHB, à Dar El-Beïda, un comptable recommandé par Haddad himself à Saïd Bouteflika pour superviser toutes ces opérations... C'est le récit invraisemblable du 4e jour du procès en appel d'anciens Premiers ministres, ministres et de patrons impliqués dans l'affaire du financement "occulte" de la campagne électorale du président déchu, Abdelaziz Bouteflika. Appelé à la barre pour s'expliquer sur sa participation à ces financements, Ali Haddad, qui comparaît depuis sa prison de Tazoult (Batna), a nié toutes les charges retenues contre lui et, notamment, le financement de la campagne avec un chèque de 180 milliards de centimes. "Je n'ai jamais été mêlé à la politique. C'est vrai que je viens d'une région (Kabylie, ndlr) où les gens sont très politisés. Mais moi, je n'ai rien à voir ni avec le RCD, ni avec le FFS, ni avec le PT. Je suis un investisseur. Je cherche des opportunités d'affaires pour le développement de mon pays", répond-il à la juge de l'audience qui lui rappelle que, selon les témoignages de l'homme d'affaires Ahmed Mazouz, "vous avez signé un chèque de 180 milliards de centimes". "C'est complètement faux ! Je n'ai jamais signé de chèque", dit-il. "Quelle est votre relation avec Ahmed Mazouz ? Confirmez-vous qu'il vous a lui-même remis un chèque de 39 milliards de centimes pour le financement de cette campagne ?" Ali Haddad demande 2 minutes pour s'expliquer : "Il y a un malentendu Mme la juge. Je n'ai jamais rencontré Ahmed Mazouz avant février 2019. C'est Mohamed Baïri (ancien vice-président du FCE, ndlr) qui me l'a présenté à la veille de la campagne électorale. Mazouz est venu dans mon bureau, avec M. Baïri, et m'a demandé si je pouvais remettre un chèque à la direction de campagne de Bouteflika. J'ai demandé pourquoi il ne le remettait pas lui-même, d'autant plus que le siège de la campagne se situait juste à côté. Il m'a répondu qu'il avait des problèmes avec certaines personnes et qu'il ne voulait pas aller au siège de la campagne", explique-t-il. "C'est vous qui avez remis le chèque alors ?" demande la juge. "Oui. J'ai vu que Mazouz était animé d'une bonne volonté et qu'il voulait le bien du pays, comme il l'a d'ailleurs affirmé ici à l'audience. Et puis, le siège de la campagne était sur mon chemin", dit-il. "Saïd Bouteflika avait l'œil sur tout" Lors de son audience qui a duré plus d'une heure et demie, l'ancien patron du FCE a été également interrogé sur la nature de ses relations avec Saïd Bouteflika, frère et ancien conseiller du président déchu, Abdelaziz Bouteflika. Le patron du groupe ETRHB a fait savoir, à ce propos, que ses rapports avec "Saïd" se limitaient à des échanges professionnels. "C'est une amitié professionnelle. J'étais président du FCE et Saïd Bouteflika était conseiller du Président. Il avait l'œil sur tout ce qui se passait au FCE. Toutes les décisions du FCE ont été prises avec son consentement. C'est normal, c'était son rôle et le rôle de la Présidence. C'est une relation de travail...", explique le prévenu à la barre. "Et comment expliquez-vous alors que Saïd vous ait contacté pour lui recommander un comptable pour la campagne électorale ?" interroge la juge. "Mais Mme c'est le conseiller du président. Je ne pouvais pas refuser. Il m'a juste demandé si je connaissais quelqu'un en qui il pouvait avoir confiance. Je lui ai recommandé mon comptable", dit-il. La juge revient sur l'affaire des financements et demande au prévenu s'il a fait l'objet d'abord de pressions pour récolter de l'argent auprès des hommes d'affaires. "Non. Je n'ai fait l'objet d'aucune pression", répond-il. La présidente de l'audience énumère ensuite plusieurs noms d'hommes d'affaires qui, selon l'expertise, ont déposé de l'argent à la direction de campagne à Hydra. Des sommes se comptant par milliards qui ont été, par la suite, transportées dans des sacs au siège de l'ETRHB, à Dar El-Beïda, à l'est d'Alger. En centimes. Ahmed Mazouz, 39 milliards, Hassan Larbaoui, 20 milliards, Hocine Metidji, 10 milliards, Abderahmane Benhamadi, 5 milliards et Lakhdar Bellat, 1 milliard. "Pourquoi l'argent de toutes ces personnes a-t-il été transféré de Hydra, siège de la direction de campagne, à votre bureau, à Dar El-Beïda ?" demande la juge. "C'est Saïd Bouteflika qui a géré tout ça. Il m'a appelé pour me demander de déposer cet argent dans mon bureau...", la juge l'interrompt : "Oui, mais pourquoi dans votre bureau ?" Ali Haddad explique : "À ce moment, il y avait des rumeurs qui circulaient sur la présence de beaucoup d'argent à la direction de campagne. Je pense qu'ils avaient peur qu'on cambriole le siège à Hydra. Mon bureau est plus sûr. J'ai des coffres-forts. Il n'y avait aucun risque de vol ou de cambriolage", répond Ali Haddad.