"Saïd Bouteflika m'a appelé le 6 mars pour me demander d'envoyer quelqu'un récupérer une somme d'argent qui se trouvait au siège de campagne à Hydra. Par précaution, m'a-t-il expliqué, car les gens disent qu'il y aurait entre 700 et 800 milliards de centimes", a affirmé Ali Haddad. Le grand absent du procès des ex-Premiers ministres, des ministres et des concessionnaires automobiles impliqués dans les affaires de corruption a finalement été convoqué, hier, au tribunal de Sidi M'hamed. En effet, le frère cadet et ancien conseiller du président déchu, Saïd Bouteflika, dont le nom a été cité par les accusés, notamment par le président du Groupe ETRHB et ancien président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), Ali Haddad, dans le volet financement de la campagne électorale du candidat Abdelaziz Bouteflika pour le 5e mandat avorté, a été convoqué par le juge en tant que témoin. C'est sur demande du procureur que le juge a décidé de suspendre la séance en début d'après-midi et demandé la présence de Saïd Bouteflika à la barre. Ce dernier, incarcéré à la prison militaire de Blida après sa condamnation à 15 ans de réclusion criminelle, s'est présenté devant le juge, mais a refusé de répondre aux questions qui lui ont été posées. Vêtu d'une tenue marron, Saïd Bouteflika a indiqué, après avoir décliné son identité, dans sa réplique au juge qu'il ne va répondre à aucune question. "Je ne vais pas répondre à vos questions", a-t-il dit. Même réponse au procureur qui a tenté de lui soutirer quelques informations, d'autant plus que son nom a été cité par, notamment, Ali Haddad. Les autres accusés parlaient de "directives venues d'en haut", sans jamais identifier clairement cette "haute autorité", alors que tout le monde a compris qu'il s'agissait en fait de Saïd Bouteflika. Ali Haddad, accusé, selon l'article 39 de la loi sur la corruption dans son volet financement occulte de partis politiques et de blanchiment d'argent puni par les articles 389 bis et 389 bis2 du code pénal, a indiqué au juge que Saïd Bouteflika l'avait contacté le 25 janvier 2019 pour, affirme-t-il, lui demander de "l'aider dans la campagne électorale". Ali Haddad a souligné au juge que Saïd Bouteflika l'avait rappelé le 6 février 2019 pour lui demander de lever des fonds pour la campagne du 5e mandat. "Il m'a informé qu'Abdelmalek Sellal a été désigné directeur de campagne, Amara Benyounès à la communication et Chaïd aux finances", a-t-il indiqué. Interrogé sur la nature de l'argent qu'il a reçu pour la campagne, Ali Haddad a souligné que "Saïd Bouteflika m'a appelé le 6 mars pour me demander d'envoyer quelqu'un récupérer une somme d'argent qui se trouvait au siège de campagne à Hydra. Par précaution, m'a-t-il expliqué, car les gens disent qu'il y aurait entre 700 et 800 milliards de centimes". Ali Haddad aurait, selon sa déclaration, retiré 19 milliards sur un montant annoncé initialement de 75 milliards de centimes. Il a annoncé qu'il avait financé la location de trois sièges, acheté du mobilier et du matériel de bureau et aurait payé des factures. Le patron de l'ETRHB a ajouté qu'il a déboursé 6,5 milliards. Chaïd, le chargé des finances de la campagne, a souligné qu'il y avait eu 75 milliards de centimes. Le juge a ensuite souligné que les Metidji, Benhammadi, Ahmed Mazouz et bien d'autres personnes ont remis des chèques pour la campagne de Bouteflika. Les comptes étaient aux noms d'Abdelmalek Sellal, puis d'Abdelghani Zaâlane. Parmi les parties civiles, le Trésor public s'est fait représenter par un avocat. Dans sa plaidoirie, l'avocat désigné par le Trésor public a évoqué un préjudice financier de 128 milliards de dinars. L'avocat a aussi évoqué les terrains détournés pour y installer les usines de montage qu'un expert a évalués à quelque 24 milliards de centimes. Pour le préjudice moral, l'avocat du Trésor public a réclamé 10 000 milliards de centimes de dommages et intérêts avec la confiscation des biens des accusés. À noter que le procès se poursuivra aujourd'hui. Les plaidoiries des avocats de la défense sont prévues aujourd'hui. Le réquisitoire est également attendu pour aujourd'hui. Le verdict pourrait être rendu le lendemain, soit lundi, selon des avocats. À signaler aussi que les avocats de la défense ont décidé de maintenir le boycott des plaidoiries. Hier, le collectif d'avocats s'est réuni pour réitérer cette position qu'il devait sanctionner par une déclaration.