Le parlementaire dénonce la limitation du nombre d'entrées en France, sous prétexte que l'Algérie refuse la réadmission de ses ressortissants en situation irrégulière. Liberté : Le rapport que vous venez de rendre public montre que la politique des visas pour l'Algérie s'est particulièrement durcie. Pourquoi ? M'jid El-Guerrab : Le nombre de visas délivrés aux Algériens est scandaleux. Il a baissé de plus d'un tiers entre 2017 et 2019. 45% des demandes ont été refusées alors que le taux mondial moyen de rejets se situe à hauteur de 16%. Pour les besoins du rapport, je me suis rendu dans les consulats d'Alger, d'Oran et d'Annaba et j'ai constaté qu'il y avait un réel problème de visas avec l'Algérie. À l'origine du durcissement, la mise en application par la France du nouveau code européen des visas Schengen (court séjour) qui limite le nombre d'entrées pour les ressortissants de pays qui refusent la réadmission de leurs nationaux en situation irrégulière en France. Je suis assez choqué que cette directive européenne soit appliquée à l'Algérie, car ce pays est stratégiquement important pour la France, à tous points de vue. Les deux Etats ont aussi beaucoup d'attaches historiques, culturelles et sur le plan humain. Il y a entre deux et trois millions d'Algériens en France et environ 100 000 Français en Algérie, dont beaucoup de binationaux. Je pense qu'on doit arrêter de mettre le sécuritaire avant les visas. Il faudrait aussi que ce soit le Quai d'Orsay qui ait la main sur le dossier des visas avec l'Algérie et avec d'autres pays importants pour la France. Vous dénoncez justement dans votre rapport la mainmise du ministère de l'Intérieur sur la gestion de la politique des visas avec l'Algérie et l'ensemble des pays d'Afrique... Cela prouve, encore une fois, la primauté des aspects sécuritaire et migratoire dans la politique des visas avec ces pays. La quote-part de l'Afrique subsaharienne est d'ailleurs dérisoire : 10% des autorisations d'entrée délivrées en 2019. A contrario, la délivrance des visas aux Chinois est, par exemple, complètement prise en charge par le ministère des Affaires étrangères. Ce que nous préconisons aujourd'hui n'est évidemment pas d'ouvrir les frontières à tous ceux qui veulent venir s'installer de manière définitive en France, mais de permettre à certains, surtout ceux que la France souhaite attirer, comme les étudiants, les hommes d'affaires, les médecins... et à ceux qui ne souhaitent pas rester vivre dans notre pays, d'obtenir des visas plus facilement. Ce n'est pas le cas aujourd'hui puisque les démarches restent encore très compliquées. Que faire pour les alléger ? Pour que ces démarches deviennent plus simples, il faudra d'abord que la politique de gestion des visas change et qu'elle soit appréhendée de manière positive. Les demandeurs ne doivent plus être considérés comme des dangers migratoires, ils sont déjà dans la légalité. On ne peut pas comparer un harrag à un demandeur de visa. Sur le plan pratique, les retours d'expérience des demandeurs de visas montrent qu'il est nécessaire de fluidifier davantage les démarches. Une délivrance express de visas, en 48 heures, peut être réalisée comme en Asie pour certains qui ont déjà obtenu des visas. Beaucoup d'Algériens par exemple ont l'habitude de séjourner régulièrement en France pour rendre visite à des proches, pour des soins ou pour des affaires et peuvent prétendre à ce genre de visas. Globalement, des progrès ont été accomplis. Les files devant les consulats ont disparu. Mais il est parfois encore difficile d'avoir un rendez-vous à temps. La crise sanitaire actuelle a mis en évidence les difficultés d'accès aux visas dans le cadre du regroupement familial par exemple. Que préconisez-vous ? Il nous semble, en effet, urgent que la France fasse un geste d'humanité en direction des personnes admises au regroupement familial. Les concernés vivent des situations dramatiques. Nous préconisons à cet égard que des dérogations soient délivrées, afin de permettre aux familles de se retrouver. Cette proposition comme toutes les autres inscrites dans le rapport ont été adoptées à l'unanimité par la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale.