Le nombre de visas court séjour de type Schengen est passé de 412 000 en 2017 à 274 000 en 2019. 45% des demandes ont également été rejetées en 2019, alors que le taux de refus mondial pour la même année était de 16%. La Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale française a adopté mercredi dernier un rapport sur la politique des visas de l'Etat français, réalisé par deux députés français établis à l'étranger, notamment en Afrique, M'jid El-Guerrab et Syra Sylla. Cet audit a été élaboré sur la base de visites réalisées dans des consulats de France, dont ceux du Maghreb, de statistiques obtenues auprès des différentes institutions publiques françaises et de l'UE, d'une synthèse des mesures gouvernementales en matière de séjour et d'immigration et des déclarations de hauts fonctionnaires au Quai d'Orsay et du ministère de l'Intérieur, d'experts et de représentants d'ONG. Elle révèle la prépondérance des impératifs sécuritaire et migratoire qui ont conduit ces dernières années l'Etat français à diminuer le nombre des visas délivrés aux étrangers provenant principalement d'Afrique La baisse la plus importante mise en évidence par le rapport concerne les Algériens. Le nombre des visas court séjour de type Schengen est passé de 412 000 en 2017 à 274 000 en 2019. 45% des demandes ont également été rejetées en 2019, alors que le taux de refus mondial pour la même année était de 16%. "Le durcissement des contrôles a même eu un effet ‘désincitatif' sur la demande des visas", observent les auteurs du rapport parlementaire, qui s'interrogent sur une "volonté clairement chiffrée et objective de fermer la porte aux Algériennes et aux Algériens". "Au-delà des chiffres, vos rapporteurs observent que les refus et la difficulté de la procédure de demande des visas sont vécus par certains demandeurs comme une forme d'humiliation lorsque ces derniers ont des liens forts et réguliers avec notre pays et ont l'impression par leurs activités de contribuer au rayonnement de la France", ont souligné les deux députés en s'adressant à leurs collègues de l'Assemblée. D'après eux, le ministère de l'Intérieur supplante le Quai d'Orsay dans sa gestion de la politique des visas et accorde "une place disproportionnée aux risques migratoires au détriment de l'attractivité". Le chantage aux visas ciblant les pays réfractaires à la réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire français a également été dénoncé dans le rapport. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a reconnu récemment devant les membres du Sénat que la France a opté pour cette solution afin de faciliter les expulsions, des individus radicalisés notamment. Pour M'jid El-Guerrab et Syra Sylla, cette manière de procéder montre clairement que "le visa est devenu un enjeu diplomatique" inconciliable avec la politique d'attractivité de la France. "Le cas de consuls généraux tombés en disgrâce pour avoir délivré trop largement des visas sont connus au sein du Quai d'Orsay.Ce qui favorise l'idée selon laquelle un bon visa est un visa refusé", note encore le rapport. Dans la pratique, une série d'entraves complique l'accès des demandeurs aux visas (piles de justificatifs, délais d'instruction longs, coûts et recours globalement rejetés...). Préconisant une politique plus juste des visas et qui concilie les impératifs d'attractivité et d'immigration, le rapport fait un certain nombre de propositions. Ses rédacteurs suggèrent de rééquilibrer le rôle du ministère de l'Intérieur et du Quai d'Orsay, au profit du dernier, pour le pilotage de la politique des visas. Ils estiment qu'il est nécessaire aussi d'inscrire les visas dans un dialogue plus large que celui de la réadmission. Cité dans le rapport, un responsable national asile à l'ONG Cimade pense que la politique du gouvernement dans ce domaine reflète "le maintien d'un rapport postcolonial vis-à-vis des Etats africains". Afin de faciliter l'entrée en France de certaines catégories d'étrangers qui ont l'habitude de séjourner dans l'Hexagone, dans le cadre de visites familiales, d'affaires..., les deux rapporteurs parlementaires proposent d'augmenter le nombre des visas de circulation. Ils préconisent également la hausse des visas-talents. Au registre des démarches, les deux députés souhaitent que les délais d'instruction des demandes soient raccourcis et que les refus soient documentés. Ils appellent aussi à simplifier davantage les dossiers de renouvellement des visas.