L'épisode luxembourgeois ayant abouti à l'accord pour le début des négociations d'adhésion des Turcs renseigne sur les obstacles que dressera Bruxelles sur le chemin d'Ankara pour la concrétisation de l'opération. Face à l'intransigeance du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan de n'accepter qu'un objectif pour les négociations, à savoir l'intégration pleine et entière de la Turquie au sein de l'Union européenne, l'Autriche a levé son blocage tout en arrachant le même droit à la Croatie. Il a fallu d'énormes pressions et de longues heures de discussions pour aboutir à ce compromis et éviter une nouvelle crise politique. Voulant certainement se défaire de cette étiquette de “club chrétien” fermé, Bruxelles entrouvre la porte aux musulmans turcs, sans aucune garantie cependant de concrétiser le processus. Si certains spécialistes estiment que l'opération pourrait s'étaler sur une dizaine d'années dans la perspective de décourager Ankara, d'autres, plus sceptiques, ne voient aucune possibilité de voir l'Union européenne admettre ce pays en son sein. Il suffit de voir les réactions, notamment françaises, à se sujet pour s'en convaincre. En effet, la dernière en date, émanant du ministre français de l'Intérieur, enlève tout doute quant à l'éventualité de voir la Turquie intégrer l'UE. Nicolas Sarkozy a affirmé que le peuple français dira non à coup sûr à la question relative à l'adhésion de ce pays, lorsqu'il sera consulté par référendum et cela suffira pour faire tomber à l'eau tous les efforts consentis tout au long du processus de négociations. Ainsi, il se dégage d'ores et déjà de la part de certains membres de l'Union, une hostilité claire contre les Turcs. Ils se relayent dans leur entreprise visant à faire capoter l'opération. La reconnaissance du génocide arménien du temps de l'empire ottoman et le problème chypriote constituent les chevaux de bataille de ceux qui s'attellent à détruire le rêve du peuple turc sans oublier la lancinante question des droits de l'Homme intimement liée à la communauté kurde. Reste à savoir jusqu'à quelques limites pourra aller Ankara pour satisfaire les exigences européennes, qui iront sans nul doute crescendo au fur et à mesure que l'on avancera dans les négociations. Les difficultés qui ont émaillé la réunion du Luxembourg dimanche et lundi derniers donne un avant-goût de ce qui se passera à l'avenir. Si l'Autriche a échoué dans sa tentative d'étouffer dans l'œuf l'entrée de la Turquie à l'UE, d'autres membres se chargeront certainement d'asséner le coup fatidique. La déclaration de Jack Straw, le ministre britannique des Affaires étrangères, “une longue route devant elle”, atteste si besoin est des embûches qui se dresseront sur le chemin des négociateurs turcs tout au long des pourparlers. Sentant les manœuvres, le gouvernement d'Erdogan n'a accepté le compromis qu'après l'intervention de la secrétaire d'Etat américaine aux affaires étrangères, Condoleezza Rice, qui a fini par les convaincre de dire oui. K. ABDELKAMEL