La Turquie se trouve désormais au seuil de l'UE mais que d'obstacles il lui reste à passer avant que d'en franchir la porte. L'Union européenne et la Turquie ont trouvé vendredi un terrain d'entente qui a permis d'annoncer les futures négociations pour l'adhésion de ce pays à l'UE. Une adhésion de la Turquie, au grand ensemble européen, qui reste toutefois problématique eu égard aux exigences de l'UE pour rendre effective l'ouverture des pourparlers en prévision de cet objectif. Certes, l'accord conclu vendredi à Bruxelles entre l'Union européenne et Ankara peut être considéré comme un triomphe personnel de M.Erdogan, du fait qu'il a su faire montre de pugnacité saupoudrée d'une certaine dose de souplesse, mais victoire aussi, qui peut à terme, se révéler une victoire à la Pyrrhus, d'autant plus que l'acceptation européenne d'ouverture des négociations avec Ankara est accompagnée de maintes exigences qui peuvent difficilement être agréées, dans l'état actuel des choses, par le postulant turc. De fait, le compromis qui a été trouvé intègre un «engagement écrit de la Turquie» sur la reconnaissance de Chypre dans les conclusions du sommet. Le texte stipule que «le gouvernement turc confirme qu'il est prêt à signer le protocole sur l'adaptation de l'accord d'Ankara préalablement au début des négociations» d'adhésion. Plus clairement, cela veut dire qu'Ankara doit, d'ici à octobre 2005, reconnaître Chypre, mais comme le souligne M.Erdogan, cette «reconnaissance de Chypre n'est pas possible pour eux pour l'instant». En effet, parmi les demandes récurrentes des Européens, figurent en tête deux reconnaissances, -le génocide arménien de 1915 et l'agrément de la République de Chypre-, dont les Européens en font un test de bonne foi de l'engagement turc envers l'Europe. Après des discussions marathon de jeudi et vendredi à Bruxelles, un accord a ainsi fini par être trouvé sur Chypre, qui a permis l'annonce formelle de l'acceptation par les 25 de l'ouverture le 3 octobre 2005 des négociations avec Ankara. D'ici à cette date en fait, la Turquie devra avoir satisfait aux demandes européennes pour rendre effectives les tractations pour l'entrée de ce pays à l'Union européenne. Le premier intéressé par cette question, le président de la République de Chypre, Tassos Papadopoulos, s'est pour sa part déclaré «satisfait» par l'engagement fait par le Premier ministre turc indiquant à l'issue du conseil européen «la mise en oeuvre du protocole n'est pas seulement l'engagement à signer, mais sa mise en oeuvre effective. (...) S'ils ne le font pas, leurs négociations tout simplement ne démarreront pas». Ainsi, la Turquie s'est engagée à signer d'ici le 3 octobre 2005 un protocole qui permettra d'appliquer un accord -existant déjà avec 15 pays membres- aux dix nouveaux membres de l'UE, dont Chypre. De fait, Recep Tayyip Erdogan aura surtout gagné, pour la Turquie, un sursis en attendant qu'Ankara fasse ses devoirs et se mette au niveau d'un futur membre de l'Union européenne. En réalité, le plus dur est encore à venir pour la Turquie qui aura pas mal de sauts d'obstacles à accomplir avant de prétendre être un jour un partenaire à part entière de l'Europe des 25, qui pourrait être d'ici à l'adhésion de la Turquie, -les négociations devant durer de dix à quinze ans-, être l'Europe des 28 avec les probables admissions de la Bulgarie, de la Croatie et de la Roumanie. Il restera encore à la Turquie de faire un travail de mémoire comme l'y incite le président français Jacques Chirac, qui tient particulièrement à ce que Ankara fasse son mea-culpa dans l'affaire des Arméniens de Turquie indiquant : «Toute l'histoire de la construction européenne, c'est l'histoire du dialogue, du respect de l'autre et de la reconnaissance des erreurs que nous avons pu faire dans le passé», lors d'une conférence de presse à l'issue du Conseil européen qui a fixé au 3 octobre 2005 l'ouverture des négociations d'adhésion de la Turquie à l'UE. «Le travail de mémoire, qui est tout à fait naturel aujourd'hui dans l'esprit des Européens, doit être considéré comme une nécessité incontournable, je dis bien incontournable», a souligné M. Chirac. Celui-ci a par ailleurs affirmé: «Je ne doute pas un instant que si ce travail de mémoire n'avait pas été fait (d'ici à la fin des négociations), les Français en tiendraient le plus grand compte dans le jugement qu'ils porteraient sur l'éventuel traité d'adhésion» qu'ils devront ratifier par référendum, laissant de le sorte planer la menace d'un report aux calendes grecques de l'entrée de la Turquie dans l'UE.