Le chef de l'Etat saisira-t-il le deuxième anniversaire du Hirak pour opérer des changements dans l'Exécutif et prendra-t-il des mesures allant dans le sens de l'apaisement politique ? Une semaine qui s'annonce cruciale. Après un séjour d'un peu plus d'un mois en Allemagne où il a subi une opération chirurgicale, le chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune, est rentré vendredi au pays. À son arrivée à l'aéroport militaire de Boufarik où il a été accueilli par les hauts responsables de l'Etat, il n'a pas prononcé de discours. Mais dès hier, il s'est vite remis dans le bain et a repris ses activités en recevant trois chefs de parti : Abdelkader Bengrina, président du mouvement El-Bina, Abdelaziz Belaïd, président du front El-Moustakbal et Soufiane Djilali, président de Jil Jadid. À leur sortie des audiences, les trois personnalités ont affirmé que les discussions ont notamment porté sur les futures élections législatives et le règlement de la crise politique. Et contrairement à sa première hospitalisation du mois de novembre dernier, le second séjour médical d'Abdelmadjid Tebboune en Allemagne, au cours duquel il a subi une opération chirurgicale au pied droit, n'a pas suscité beaucoup de polémiques, ni alimenté beaucoup de rumeurs. Rares, notamment dans le microcosme politique algérois, sont ceux qui se sont laissés aller à des supputations autour de ses actions futures. Ce retour d'Abdelmadjid Tebboune remet, en effet, sur la table des dossiers en suspens. C'est le cas notamment d'un éventuel changement ou, tout au moins, d'un remaniement gouvernemental que beaucoup de sources donnent comme imminent. L'on se rappelle que peu avant son départ en Allemagne, Abdelmadjid Tebboune n'avait pas caché son mécontentement quant au rendement de l'Exécutif. On ignore, cependant, si Abdelaziz Djerad, à l'accueil hier à l'aéroport, restera à la tête du gouvernement ou pas, lui dont le bilan d'activité n'a toujours pas été présenté plus de treize mois après son entrée en fonction. Mais le changement au sein de l'Exécutif semble inéluctable. Et cela est visible depuis plusieurs mois déjà puisque le chef de l'Etat lui-même avait exprimé, au moins à deux reprises, son mécontentement quant au travail de l'équipe gouvernementale. D'abord, lors d'un Conseil des ministres où il avait estimé que le travail des ministres oscillait entre "le bon et le mauvais", ensuite, le jour de son départ pour l'Allemagne, le 10 janvier dernier. Avant de quitter l'aéroport militaire de Boufarik, il avait répété au Premier ministre que "pour le gouvernement, il y a du bon et du moins bon...", avec un sourire en coin qui en disait long sur ses intentions. Conséquence de cette défiance présidentielle : hormis quelques-uns de ses membres, le gouvernement donne l'impression d'être paralysé. Même Abdelaziz Djerad, qui avait fait montre d'un activisme débordant lors de la première hospitalisation d'Abdelmadjid Tebboune, s'est quasiment éclipsé ces derniers temps. Il en est de même pour le ministre de l'Intérieur, Kamel Beldjoud, qui est supplanté par les conseillers du chef de l'Etat, notamment ceux en charge du mouvement associatif et celui chargé du dossier des "zones d'ombre". Un signe qui ne trompe pas aux yeux des observateurs et qui suggère que le changement ne tardera pas à survenir. Autre indice : même des alliés du chef de l'Etat, comme Abdelkader Bengrina, demandent publiquement le départ du gouvernement. En plus du changement de gouvernement, un autre grand dossier attend le chef de l'Etat. Il s'agit de l'adoption de la nouvelle loi électorale qui devrait ouvrir la porte à de nouvelles élections législatives et probablement locales. Le calendrier n'est toujours pas fixé, mais il est fort probable que cela ait lieu l'été prochain. Une opération électorale est, en effet, difficilement envisageable dans les semaines prochaines à cause, notamment, de l'approche du mois de Ramadhan et des vacances scolaires. Il n'est, cependant, pas exclu que cela ait lieu l'année prochaine comme le demandent certaines parties et personnalités. Mais, dans l'immédiat, Abdelmadjid Tebboune devrait d'abord arbitrer sur certaines dispositions contenues dans le projet de loi électorale. C'est le cas du régime électoral et de certains autres articles très critiqués par les partis politiques, ou encore du seuil requis pour prétendre participer à une élection locale ou législative. Sur un autre registre, le retour d'Abdelmadjid Tebboune intervient à quelques jours de la célébration du deuxième anniversaire du Hirak, une occasion pour lui de s'exprimer sur les questions en suspens, mais aussi de tenter de faire quelques gestes forts en direction, notamment, des détenus d'opinion, d'autant que sur la Toile, des appels sont lancés pour des manifestations. Selon certaines sources, il prononcera même un discours dans les prochains jours. Une occasion, par ailleurs, pour évoquer le rapport de Benjamin Stora au sujet duquel, aucune source officielle ne s'est exprimée jusque-là. Mais compte tenu des multiples défis qui se posent au pays, Tebboune est assurément en quête de rattraper le temps perdu.