Les mesures monétaires apparues dès le mois de mars 2020 ont été d'un faible impact sur la liquidité et l'économie. Dans un communiqué diffusé plus tôt cette semaine, la Banque d'Algérie a fait le constat d'une faible application par certaines banques de la place de ses mesures monétaires et prudentielles censées réduire l'impact du choc pandémique sur l'économie et les entreprises. Ces mesures prises courant 2020 devaient aider les banques à libérer la liquidité, renforcer leur résilience et faciliter l'accès au crédit pour les entreprises frappées de plein fouet par la crise sanitaire liée à la propagation du Covid-19. Or, près d'une année après l'avènement des premières mesures, force est de constater que la Banque centrale est encore loin du compte par rapport aux objectifs initialement arrêtés et que les banques devaient atteindre. Les mesures monétaires apparues dès le mois de mars 2020, se rapportant essentiellement à la baisse du taux des réserves obligatoires et à l'augmentation des seuils de refinancement des titres publics négociables, n'ont été que d'un faible impact sur la liquidité, puisque celle-ci est passée de 1 100,8 milliards de dinars à fin 2019 à 632,3 milliards de dinars à fin 2020. Le léger rebond de la liquidité en fin d'exercice n'a que faiblement amélioré les ressources et la résilience des banques face aux difficultés rencontrées par leurs clients parmi les entreprises et les investisseurs. Preuve en est que les crédits à l'économie n'ont évolué que de 3,05% en 2020 contre 8,84% en 2019. Ainsi, après une année 2020 qui a fait subir à l'économie et aux entreprises un choc sans précédent, le redémarrage espéré au moyen des mesures monétaires arrêtées par la Banque centrale dès le mois de mars du précédent exercice semble se lézarder, puisque la prudence reste de mise au niveau des banques. Dans son communiqué, la Banque centrale s'est bien gardée de s'aventurer dans les raccourcis glissants d'une politique monétaire à bout de souffle, préférant rappeler à l'ordre et mettre en garde les banques n'ayant pas "transposé" sur le terrain lesdites mesures. Celles-ci devaient aider à libérer la liquidité au niveau des banques en contrepartie d'un accompagnement des débiteurs dans le cadre d'un plan anti-Covid au bénéfice des entreprises. Cet accompagnement devait se traduire par le report du paiement des tranches de crédit arrivant à échéance, le rééchelonnement des créances de la clientèle ayant été impactée par la conjoncture sanitaire et la facilitation d'accès au crédit. Or, certains banquiers de la place, terrifiés à l'idée de voir augmenter davantage le niveau des créances irrécouvrables, sur fond de crise de liquidités et de baisse des profits, émettaient des saisies-arrêts à l'adresse des entreprises, tout en appliquant des pénalités de retard sur le paiement des échéances de crédit. L'entreprise et l'économie ont été ainsi doublement pénalisées. D'abord, par le faible rendement des mesures monétaires et, ensuite, par une attitude contreproductive de certains banquiers. De l'avis de Kamel Benkhabechèche, économiste et conseiller en investissement sur les marchés financiers, dans ce contexte inédit de choc pandémique, les banques doivent accompagner davantage leurs clients, mais il aurait fallu accompagner les mesures monétaires par d'autres actions censées améliorer la collecte de l'argent circulant hors circuit bancaire. D'après lui, "un simple retour au taux de circulation fiduciaire de début 2016 rapporté à la masse monétaire globale, qui était déjà assez élevée, soit d'environ 30%, permettrait de mobiliser 800 milliards de dinars additionnels dans le circuit bancaire", ce qui est nettement supérieur aux liquidités libérées au moyen des mesures monétaires. Kamel Benkhabechèche estime que la baisse drastique de la liquidité bancaire est liée principalement à la hausse importante de la circulation fiduciaire hors banques. D'ailleurs, argumente notre interlocuteur, une baisse de 1% du TRO (taux des réserves obligatoires) permettrait de libérer environ 100 milliards de dinars, alors que la circulation fiduciaire a augmenté de 700 milliards de dinars courant 2020. Cela signifie que les mesures monétaires et prudentielles initiées par la Banque centrale risquent d'être insuffisantes, à même d'inverser la tendance, surtout si la circulation de la monnaie fiduciaire continue d'augmenter. Ali Titouche