Les promotions immobilières privées poussent comme des champignons et bénéficient de toutes les largesses de l'administration locale, tandis que les projets de logements relevant du secteur public connaissent des retards et des blocages énormes. Réunis en session ordinaire jeudi 11 mars, les membres de l'Assemblée populaire de la wilaya (APW) de Béjaïa ont passé au crible le secteur névralgique de l'habitat, dont la gestion a fait couler ces dernières années beaucoup d'encre et de salive. Le rapport présenté à l'Assemblée par le directeur du logement, fraîchement installé, a suscité beaucoup de critiques lors de la séance des débats en plénière, qui se sont poursuivis jusqu'à 21h. "Ce rapport, constitué d'un ensemble de chiffres, sans dates précises ni les contraintes rencontrées, ne reflète en aucun cas l'état d'avancement des différents programmes de logements inscrits à l'indicatif de la wilaya de Béjaïa", assènent les membres de la commission Habitat et urbanisme de l'APW, qui pointent du doigt un "manque de coordination" entre les directions de wilaya relevant du secteur de l'Habitat, à savoir les directions du logement (DL), de l'architecture, urbanisme et construction (DUC), des équipements publics (DEP) et l'Office de promotion et de gestion immobilières (OPGI). À cela s'ajoutent "les blocages, les retards et la lenteur dans la mise en œuvre des procédures administratives, pour ne citer que la direction des domaines, la conservation foncière et les directions susmentionnées", soutient-on. Les membres de la même commission déplorent, en outre, le "non-lancement des différents programmes de logements inscrits durant les deux dernières décennies pour cause de non-transfert de propriété, localisation de terrain et attribution de permis de construire". Un autre constat amer des élus de l'APW de Béjaïa : le non-respect flagrant des PDAU (Plan directeur de l'aménagement urbain) communaux et intercommunaux, ainsi que les POS (Plan d'occupation du sol), en dépit des enveloppes financières conséquentes engagées pour les études de ces instruments urbanistiques. À noter que les différentes sorties des membres de ladite commission sur plusieurs sites abritant des projets de réalisation de logements leur ont permis de dresser un état des lieux détaillé des programmes lancés à travers les quatre coins de la wilaya. Ainsi, les projets qui attirent plus l'attention des intervenants parmi les élus demeurent les nouveaux pôles urbains implantés à Ighzer Ouzarif (Oued Ghir) et à Sidi Boudrahem (Béjaïa). Si le premier pôle, qui abrite pas moins de 16 000 logements, toutes formules confondues, connaît la problématique de la réalisation des VRD (voies et réseaux divers), le deuxième souffre de l'absence d'équipements publics, alors que certains programmes, dont celui des 2 798 logements AADL 2 (2013) et celui des 80 unités (LPA), sont toujours en souffrance. Lors de son intervention, le président de l'APW, Mehenni Haddadou, a fait savoir que son Assemblée va constituer une commission d'enquête pour mettre la lumière sur les blocages que connaît le projet de logements RHP (résorption de l'habitat précaire) dont a bénéficié la commune de Sidi Ayad, dans la daïra de Sidi Aïch. Par ailleurs, l'élu du FFS, Youcef Boukoucha, s'est indigné du fait que la wilaya de Béjaïa n'ait bénéficié d'aucun programme de logements sociaux durant la période allant de 2013 à 2019. Selon lui, les promotions immobilières privées poussent comme des champignons et bénéficient de toutes les largesses de l'administration locale, tandis que les projets de logements relevant du secteur public connaissent des retards et des blocages énormes. "Il faut dire que nous avons des petites ‘issaba' (bandes mafieuses) au niveau de chaque direction de notre wilaya", a-t-il martelé. Relevant l'inaccessibilité des prix de l'immobilier dans la ville des Hammadites, l'orateur a ironisé : "Aujourd'hui, le logement coûte le même prix à Béjaïa qu'à Paris." Abordant la lenteur constatée dans la distribution des logements dans la région, le wali de Béjaïa, Ahmed Maâbed, a regretté qu'une telle situation engendre un manque à gagner incommensurable pour l'OPGI, sans parler de la dégradation continuelle des bâtisses inhabitées.