Un an après le début de la pandémie, et après les multiples interventions de la Banque centrale sur le taux de change du dinar, les risques d'un retour de l'inflation sont réels, même si le ministre des Finances a tenté, tant bien que mal, de rejeter l'idée d'une dévaluation du dinar à des fins de paramétrages macroéconomiques. Aymen Benabderrahmane a estimé, samedi, que "la monnaie est le miroir de l'économie", assurant que le dinar n'est pas dans une situation d'effondrement "comme certains l'imaginent". Au contraire, soutient-il en marge de la cérémonie de lancement officiel des services de certification et de signature électroniques, le dinar est en voie de redressement et "la relance des grands projets permettra à la monnaie de retrouver sa force économique". Le ministre a assuré à la même occasion que "l'inflation est maîtrisée" et que les "prix sont à la portée de tous". Au-delà du discours officiel qui semble contraster avec le constat d'une érosion accélérée du pouvoir d'achat à la fois des ménages et des entreprises, la rechute drastique des cours du brut, dès le début du précédent exercice, a remis au goût du jour l'usage des outils de politique monétaire à des fins d'ajustement macroéconomique, en l'absence de réformes budgétaires et économiques structurelles. Le taux de change du dinar en est un. Même si le ministre des Finances n'a pas tout à fait tort lorsqu'il dit que la santé du dinar reflète celle de l'économie, étant donné que la baisse des fondamentaux de l'économie entraîne de facto une dépréciation du taux de change du dinar, seulement, celui-ci constituait jusqu'ici le principal levier d'ajustement macroéconomique, alors que des réformes devaient être mises en place pour rétablir les équilibres. C'est ainsi que, contrairement à ce qu'avance le ministre des Finances, le taux de change du dinar a connu d'importants ajustements depuis 2014, dans le contexte d'un choc externe violent, passant d'une moyenne de 78 DA pour un dollar en juin 2014 à 119 DA/dollar au 1er janvier 2020. L'euro est passé, en revanche, d'une moyenne de 107 DA en moyenne en juin 2014 à 133 DA à fin janvier 2020. La rechute des cours pétroliers mondiaux dès le début de 2020 a accéléré la dépréciation du dinar, dont le taux de change est passé de 119 DA/dollar en janvier 2020 à plus de 139 DA/dollar cette semaine, tandis que l'euro est passé au-dessus de 168 DA, il y a quinze jours, contre 133 DA/euro en moyenne en janvier 2020. Ce canal baissier n'a pas été sans conséquences sur le pouvoir d'achat des ménages et des entreprises, laminés par le renchérissement des prix à la production et à la consommation. Le taux d'inflation est reparti à la hausse dès octobre 2020 pour s'établir à 2,6% en janvier en moyenne annuelle, mettant à rude épreuve la trésorerie des entreprises qui ont vu les coûts des intrants grimper à des niveaux insoutenables. L'indice FAO des prix des produits alimentaires a connu une hausse de 2,4% en février 2021 par rapport à janvier de la même année. Il s'agit du neuvième mois consécutif de hausse de l'indice, qui atteint son plus haut niveau depuis juillet 2014. La hausse de février est due à la forte progression des sous-indices du sucre et des huiles végétales, même si ceux des céréales, des produits laitiers, dont l'Algérie est un des plus gros importateurs mondiaux, ont eux aussi augmenté. La hausse des prix à la production a entraîné, presque mathématiquement, une hausse des prix à la consommation, dont les conséquences sur les petites et moyennes bourses ne sont pas à démontrer, quand bien même le modèle de calcul de l'inflation par l'ONS serait dépassé et archaïque. Outre le renchérissement des coûts des intrants importés, les germes de cette inflation étaient déjà bien présents dans la dépréciation du dinar et la remise en cause de certaines subventions, dont le soutien de l'Etat aux prix des céréales vendues par l'OAIC aux minotiers, ainsi que la hausse, à maintes reprises, des prix des produits énergétiques, les carburants en particulier.