Les travailleurs exigent, par ailleurs, le départ du directeur à qui ils reprochent de cautionner la liquidation de leur entreprise. “Foutez le camp, nous ne voulons plus de vous ici.” Ayant sans doute compris qu'il n'était pas spécialement le bienvenu au siège de l'entreprise qu'il dirige depuis… 1968, Amiche Saïd, directeur de l'EPE Magi, a rebroussé chemin à bord d'une berline blanche. C'était hier matin. Hier matin que les 205 travailleurs de cette entreprise spécialisée dans la fabrication du matériel agricole et industriel ont barré la route à leur directeur, coupable à leurs yeux de vouloir “brader l'usine” au détriment de leurs intérêts. Arborant leur bleu de travail, les employés grévistes causent allègrement devant le siège de leur entreprise situé juste à l'entrée de la ville de Rouiba. Ils “tuent” le temps en ce mois de Ramadhan en devisant sur l'avenir de PMA. Leur avenir. “Non à la privatisation au profit des affairistes”, “Nous ne voulons pas d'un directeur âgé de 70 ans”, proclament quelques banderoles de fortune faites de morceaux de tissu usé. Les protestataires ont, cependant, fait preuve d'ingéniosité en favorisant le produit-maison pour relayer leur SOS via des plaques en taule. Ceci pour le décor planté, hier, à l'occasion du premier jour d'arrêt de travail observé suite au sit-in organisé la veille. S'agissant du fond de ce conflit social, le syndicat de l'entreprise est convaincu que les décideurs, notamment la société de gestion des participations (SGP) préparent la vente de PMA à un opérateur privé français. Or, les travailleurs réclament “leur droit” de racheter leur société conformément aux engagements des pouvoirs publics qui ont privilégié cette formule de privatisation. En effet, à en croire le responsable de ce syndicat, M. Smaïl Mohand Ouramdane, le SGP auquel appartient cette EPE, aurait proposé en mars dernier, via le directeur, que les travailleurs rachètent PMA avec toutes les garanties liées au volet social contenu dans un cahier de charges. Et au terme d'une assemblée générale, 237 ouvriers avaient approuvé le principe de devenir les patrons de PMA. L'affaire était tellement sérieuse et les engagements tellement solides que les désormais travailleurs-acquéreurs ont commencé à installer les organes de direction de leur nouvelle Eurl. Un conseil d'administration mi-informel, mi-légal tient lieu d'organe exécutif d'une société qui n'existe sans doute que dans l'imaginaire de ces centaines de pères de famille qui rêvent de posséder l'entreprise qui les fait vivre depuis 40 ans pour certains. Mais cette relation presque charnelle qui lie PMA et ses travailleurs risque de subir les contrecoups de l'orientation économique du pays. Elle risque de leur filer entre les doigts. C'est ce que redoutent et refusent justement ces hommes qui fabriquaient durant des années les fameuses citernes Magi. Ils jurent par tous les saints de ne pas céder à la fatalité. “Nous n'accepterons jamais de voir notre entreprise, pour laquelle on s'est sacrifié des années durant, tomber entre les mains d'un affairiste, d'un begarre”, menacent-ils. Mais ces élans teintés de bravoure et de “Rejela” trahissent une angoisse profonde de ces travailleurs qui craignent de se retrouver un jour derrière le portail. Et sans le sous ! Et c'est ce qu'ils suspectent après avoir constaté que les clauses contenues dans le premier cahier de charge ne figurent plus dans le second élaboré en mai dernier “sans consultation du partenaire social”. En effet, d'après le SG du syndicat, il a été convenu, entre autres, que les travailleurs devaient bénéficier de 10% du montant de la vente dans le cas où elle devrait être cédée totalement. Les salariés devaient, également, garder les avantages que leur procure la convention de branche 5 années après la vente l'EPE. Mais, les travailleurs et leur syndicat n'ont vu que du vent. La nouvelle mouture du cahier des charges fait l'impasse sur ces avantages et, pire, rogne sur le patrimoine de l'entreprise. PMA-Magi a été amputée de trois importantes structures dont notamment Magi II située à la zone industrielle de Réghaïa et s'étalant sur plus de… 9 000 m2 et le parc de stockage situé sur la route de Hammadi. Pour les travailleurs, cela signifie simplement la mort de PMA dans la mesure où elle ne sera plus en mesure de réaliser ses objectifs de production sans ses démembrements. La société serait apparemment promise à l'opérateur français, ancien de cette même PMA, et les travailleurs ne sont pas spécialement contre. Mais leurs conditions sont difficiles à satisfaire quand on (re)pense aux 50 000 emplois qui seront perdus d'après le chef du gouvernement. HASSAN MOALI