Par : Yahia Dellaoui Professeur hospitalo-universitaire au CHU d'Oran, chef du département de pharmacie, faculté de médecine d'Oran. Les pharmaciens hospitalo-universitaires doivent être beaucoup plus nombreux et beaucoup plus intégrés à l'équipe médicale hospitalo-universitaire afin que leur compétence soit utilisée du mieux possible dans ce domaine de la dispensation du médicament au malade, de la recherche biomédicale, de la sécurisation du circuit médicamenteux et de la gestion des risques." Dans une lettre adressée à l'ancien ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière par le collectif des hospitalo-universitaires, les signataires pharmaciens hospitalo-universitaires soulignent qu'il s'agit d'un cri d'alerte pour dénoncer énergiquement la manière et les visées de ceux qui sont à l'origine de l'exclusion d'ouverture des postes de chefferie de service au niveau des CHU !!? En effet, après parution de l'arrêté interministériel du 27 novembre 2016, quels ne furent pas leur étonnement et leur déception de constater que seules les spécialités pharmaceutiques n'ont pas été erigées en services hospitalo-universitaires ! S'agit-il d'une omission ? Des professeurs et des maîtres de conférences classe A participent pleinement à diverses activités hospitalières, pédagogiques et scientifiques notamment l'encadrement pratique, théorique et hospitalier des étudiants externes, internes et des résidents en pharmacie, sans oublier l'encadrement des mémoires de fin d'études de graduation et les thèses d'état. Par conséquent, plusieurs générations en graduation et en post-graduation ont suivi leur formation au sein des pharmacies-hospitalières, les laboratoires de chimie-thérapeutique et médicinale, de chimie-analytique pharmaceutique, de galénique, de biophysique, de pharmacognosie de la pharmacologie, de botanique médicale et d'hydrobromatologie, dont les responsables de ces spécialités poursuivent sans relâche leurs efforts pour accomplir leur noble tâche de transmettre le savoir-faire comme les identifications, les analyses, la fabrication des molécules thérapeutique de synthèse ou hemi-synthèse, le contrôle de qualité médicamental, le suivi thérapeutique, les analyses d'ordonnances, la pharmaco-vigilance et autres examens à intérêt thérapeutique. Le pharmacien hospitalo-universitaire participe au bon usage du médicament à l'intérieur des hôpitaux. Schématiquement le médicament suit le chemin suivant : Les prescriptions sont faites verbalement et transcrites sur le cahier de visite par le personnel soignant. Les bons de commande sont établis globalement à partir du cahier de visite. Au niveau de la pharmacie, les médicaments sont délivrés par les préparateurs au personnel infirmier. Cette délivrance se fait en vrac. L'administration se fait par le personnel infirmier d'une façon globale. L'administration des médicaments se fait correctement de 7h à 14h d'une façon moyenne de 14h à 19h et elle est presque nulle de 19h à 7h, cela est dû aux horaires des infirmiers. Dispensation du médicament En fait, d'après le schéma que nous avons présenté précédemment, il ressort qu'il n'y a pas de dispensation, mais de distribution par l'infirmière (personne qualifiée pour les soins et l'administration des médicaments) à partir des pharmacies installées dans les unités de soins. Il n'y a pas de contrôle pharmaceutique de l'ordonnance. Dès lors, l'administration se fait par le personnel soignant sans qu'il y ait possibilité d'intervention pharmaceutique. Le procédé actuel aboutit donc à transformer beaucoup trop le pharmacien hospitalier en grossiste répartiteur sans apporter la moindre garantie au malade. Ainsi le circuit hospitalier du médicament montre un bouleversement du schéma classique Le médecin ne prescrit souvent qu'oralement. Le pharmacien n'a souvent le temps que d'être un grossiste répartiteur. L'infirmière distribue et administre les médicaments. Le malade absorbe ces médicaments. Or, l'exécution des thérapeutiques en milieu hospitalier est en réalité plus complexe qu'en ville du fait : Du regroupement des malades. Du nombre important des médicaments administrés par voie parentérale. De la prescription de médicaments dangereux plus fréquente qu'en ville. Des posologies très fortes, garantes de l'efficacité, mais souvent à la limite des doses maximales. À la suite de l'étude de ces trois éléments essentiels (médicament-prescription-dispensation), l'hôpital paraît, ainsi, être un terrain favorable aux erreurs. Les erreurs sont très variées et peuvent se situer : au niveau du choix du ou des médicaments ; prescription d'un médicament contre-indiqué ; prescription comportant une liste impressionnante de médicaments ; prescription d'un médicament dont on est sûr qu'il est inactif, ex : pénicilline pour une tuberculose ; au niveau de la posologie ; au niveau d'association de médicaments ; Ces erreurs sont dues soit : à la jeunesse du prescripteur (interne le plus souvent) ; à la prescription clandestine des infirmières ; à la pluralité des prescripteurs ; au mode d'élaboration d'ordonnances (absence d'écrit) ; absence d'intervention pharmaceutique ; Au niveau de la dispensation du médicament, l'évaluation qualitative et quantitative des erreurs dans les hôpitaux a été réalisée essentiellement par le laboratoire de thérapeutique de faculté de médecine d'Oran en 2016 indiquant que le pourcentage d'erreurs au niveau de la dispensation variait entre 15 et 21% du total des doses administrées. Après une étude analytique, je précise que : -6% des erreurs techniques concernent le nom du médicament. -1% concernent la voie d'administration. -38% concernent la dose administrée. -55% concernent l'heure d'administration. Il est sur ce point intéressant de constater que la dispensation des médicaments se fait à 8h, à 14h et à 20h, et qu'entre 20h et 8h, c'est souvent le trou thérapeutique. On peut dès lors s'interroger sur certaines applications des études de pharmacocinétiques. À cette liste il faut ajouter : Administration d'un médicament de mauvaise qualité (médicament périmé, mal conservé ou contaminé). Absence de prise effective du médicament par le malade. Les principales causes de ces erreurs sont : absence d'ordonnance écrite ; ordonnance incomplète ; transcriptions multiples de la prescription initiale ; mauvaises pratiques de gestion des armoires à pharmacie (confusion), des formes et dosage surtout si ce sont les aides-soignants ou soignantes qui préparent les médicaments. Et enfin, le manque de formation du personnel infirmier qui entraîne parfois la non-observance du traitement très souvent du fait que le personnel ne peut apporter d'enseignement au malade quant à la prescription des médicaments. D'après ce que nous venons de dire, on comprend donc que la sécurité et l'observance ne peuvent être obtenues qu'en passant obligatoirement par un système de dispensation individuelle du médicament et sous la surveillance du pharmacien hospitalo-universitaire. Aussi, dans l'intérêt des malades et de la collectivité, seul ce système constitue une réponse logique et saine, car il permet : 1) D'apporter la plus haute sécurité au malade hospitalisé grâce : à la surveillance de la prescription ; au contrôle des modalités d'utilisation du médicament ; à la réalisation de la préparation des médicaments par le personnel spécialisé qui évite le risque de confusion entre les différentes formes et dosage ; à la séparation entre l'acte de préparation du médicament et l'acte d'administration qui sont réalisés par deux personnes différentes, ce qui permet un contrôle supplémentaire. 2) De rationaliser la gestion du médicament par : la suppression des stocks immobilisés dans les unités de soins ; la réduction du nombre de produits périmés ; obtenue par une meilleure rotation du stock ; le conditionnement unitaire du médicament ; l'ordonnance individuelle ; l'informatique aide à la dispensation. Pour conclure, il nous faut convaincre les pouvoirs publics que les pharmaciens hospitalo-universitaires doivent être beaucoup plus nombreux et beaucoup plus intégrés à l'équipe médicale hospitalo-universitaire afin que leur compétence soit utilisée du mieux possible dans ce domaine de la dispensation du médicament au malade, à la recherche biomédicale, à la sécurisation du circuit médicamenteux et la gestion des risques. Cette présence physique et dynamique des hospitalo-universitaires nous apparaît très importante au niveau des pharmacies érigées en service de soins pour la redécouverte de cette fonction principale : préparer, dispenser, réduire les risques d'accidents et la formation des internes, résidents et recherches pharmaceutiques. Il nous appartient donc, en tant que professionnels de thérapeutique, de tout mettre en œuvre pour que le médicament, objet de tant de soins au niveau de sa conception et de sa fabrication, puisse conserver son bénéfice et sa précieuse activité jusqu'au lit du malade. Il nous semble que des moyens doivent être donnés aux professionnels que nous sommes, pour que le bon médicament aille au bon malade, à la bonne posologie et au bon moment. Pour terminer, nous citons la pensée de Lamartine qui disait : "L'ambition qu'on a pour soi-même s'avilit et se trompe ; l'ambition qu'on a pour assurer la sécurité et la grandeur du pays, change de nom, elle s'appelle dévouement". *Les sciences fondamentales médicales pénalisées par le manque de projection hospitalière au niveau des CHU à l'échelle nationale sont comme suit : -anatomie, physiopathologie, biophysique médicale, chimie thérapeutique, physiologie médicale, chimie analytique pharmaceutique, biophysique pharmaceutique, et pharmacologie. Le collectif des rangs magistraux pharmaciens en sciences pharmaceutiques demandent l'ouverture des services (pharmacie-hospitalière), spécialité pénalisée par ce manque d'ouverture des postes aux CHU.