La marée humaine, qui a déferlé, hier, sur la ville de Tizi Ouzou pour prendre part à la huitième marche consécutive depuis la reprise des manifestations, le 22 février dernier, et le 112e vendredi depuis l'insurrection populaire de 2019, a, encore une fois, réaffirmé qu'en dépit de toutes les manœuvres orchestrées jusque-là, le souffle de la révolution demeure toujours puissant et son essoufflement continue de relever d'une simple vue de l'esprit. Comme à l'accoutumée, l'avant-goût de ce que devait être la manifestation d'hier a déjà été donné sur l'esplanade du stade du 1er-novembre, alors qu'il n'était même pas encore 13h, heure habituelle du début de regroupement des manifestants. Sous un soleil torride et des températures qui ont nettement et subitement grimpé, une imposante foule de manifestants s'est déjà formée sur cette place, devenue le lieu de convergence des hirakistes le vendredi. Tout au long de la rue Lamali-Ahmed qui longe le CHU, le mouvement devient de plus en plus intense. Individuellement ou par groupes, les manifestants, hommes et femmes, de tous âges, certains drapés dans le drapeau national, d'autres dans l'emblème amazigh et d'autres encore portant banderoles et pancartes, continuaient d'affluer de manière ininterrompue. À 13h30, le décor habituel est planté et la marche s'ébranle. Comme depuis plusieurs vendredis déjà, les manifestants, visiblement tranquillisés par la position du FFS qui a refusé de jouer les trouble-fêtes, ont, une fois de plus, mis en avant le rejet des élections du 12 juin prochain. "Ulac l'vot Ulac", "Makache initikhabate m3a el 3issabate" (pas de vote avec le gang), scandait-on dans tous les carrés de la marche à son départ. Dans l'un d'eux, une pancarte donnait à lire : "Le corps électoral est dans la rue à réclamer votre départ." Mais comme à chacune des étapes de la mise en œuvre de la feuille de route du pouvoir, la marée humaine, qui avançait tel un torrent au centre-ville, n'a pas perdu de vue les slogans qui font l'âme de la révolution, à savoir "Le départ du système", "L'instauration d'un Etat civil", "L'indépendance de la justice", "La transition démocratique", "Les libertés publiques"... La visite annoncée pour aujourd'hui du Premier ministre français, Jean Castex, en Algérie, s'est également invitée à la marche de Tizi Ouzou où les manifestants ont brandi des pancartes appelant le pouvoir de Macron à rester chez lui et à cesser de venir au secours du pouvoir algérien. Dans l'immense foule, dont le premier carré a entamé la descente de l'ex-gare routière de Tizi Ouzou, alors que le dernier venait à peine d'arriver au rond-point menant vers le CHU, il y avait également des milliers de portraits de Mohamed Tadjadit et de Lounès Hamzi, accompagnés à chaque fois d'un message de soutien au premier et de demande de libération pour le second. "Halte à l'instrumentalisation de la justice contre Tadjadit", "Liberté pour Lounès Hamzi", y lit-on.