Une marée humaine a déferlé, hier, dans les rues de Tizi Ouzou pour réaffirmer la détermination du peuple à poursuivre la révolution pacifique jusqu'à l'instauration d'un véritable Etat démocratique, et son rejet de tout dialogue, de toute élection et autre offre sans le départ de tous ceux qui incarnent le système. Ils étaient, en effet, des dizaines de milliers, en tout cas beaucoup plus nombreux que vendredi dernier, à braver la chaleur suffocante d'hier pour prendre part à cette 26e démonstration populaire de rue qui donne déjà un avant-goût de ce que sera la mobilisation à la rentrée sociale qui approche à grands pas. Comme lors du 25e vendredi, et même ceux d'avant, c'est aux cris de "La hiwar la chiwar, erahil obligatoire", "Makach intikhabat ya el-îssabate" que le premier noyau a entamé la marche, à 13h30, depuis l'entrée de l'université Mouloud-Mammeri pour arpenter la montée du stade du 1er-Novembre où le gros de la foule attendait pour le rejoindre. Des carrés commençaient alors à se former le long de la rue Lamali-Ahmed qui longe le CHU de Tizi Ouzou et, aussitôt, des slogans fusaient. "Madania matchi âaskaria" scande-t-on par-ci, "Ya men âach, ya men âach, Gaïd Salah fi El-Harrach", scande-t-on par-là. Des banderoles commencent également, aussitôt, à faire leur apparition. Par centaines. Sur deux de ces banderoles jumelées pour occuper entièrement la largeur de la route de l'hôpital on pouvait lire : "La li houkm el âaskar. La intikhabate mâa Bedoui oua Bensalah. La hiwar mâa bakaya enidham. Karim Younès à la poubelle" et, sur l'autre : "Ibn Khaldoun a dit : la base de la gouvernance c'est la justice. Où êtes-vous juges honnêtes ? Nous voulons un Etat de droit, de justice et d'équité. Civile et non militaire". Deux banderoles qui résument clairement tout l'esprit de la révolution populaire qui a entamé son sixième mois sans faiblir ni dévier de sa trajectoire. "Non au panel de la honte et de la compromission", "Appliquer l'article 7 ou dégagez", lit-on sur d'autres pancartes brandies dans un carré où les manifestants scandaient à tue-tête : "Karim Younès chiatt el-îssabate." Sur le boulevard Abane-Ramdane, appelé communément la Grand'rue, la foule, comme tous les vendredis, ne cesse de grossir. Beaucoup préfèrent se joindre à la marche sur ce large boulevard. Là encore de nouvelles banderoles et pancartes apparaissent. "On ne s'est pas révolté pour le pain mais pour la dignité", lit-on sur l'une d'entre elles. "Une élection présidentielle avec la Constitution actuelle c'est la régénération du système de prédateurs et l'intronisation d'un nouveau roi avec d'autres courtisans. Libérez les détenus et ensuite, de grâce, dégagez", lit-on sur une autre. "Non aux élections truquées d'avance. Oui à la décision souveraine du peuple algérien", lit-on sur une autre. Comme à l'accoutumée, depuis le mois de juin, de nombreuses pancartes appelaient également à la libération des détenus d'opinion, de Louisa Hanoune et de Rebrab. D'autres appellent à maintenir la mobilisation et à poursuivre la révolution. "Sa nassir, sa nassir hata yahdouth etaghyir" (on va marcher et marcher jusqu'au changement), et encore "Samidoun, samidoun, maranache habssine", scandait-on.