L'audition des cinq militants s'est déroulée jeudi sur fond de protestation de dizaines de citoyens qui ont organisé un rassemblement de solidarité, devant le tribunal de Sidi M'hamed. Cinq militants du mouvement populaire, le Hirak, ont été placés jeudi soir sous mandat de dépôt, après leur présentation dans la matinée devant le juge d'instruction près le tribunal de Sidi M'hamed d'Alger, pour de graves chefs d'inculpation, selon leur défense, dont "direction et organisation d'une association de malfaiteurs", relevant de la criminelle. Ils avaient été présentés devant le procureur de la République à 8h30 avant l'arrivée de leurs avocats, a affirmé Nassima Rezazgui, elle-même membre du Collectif de défense des détenus politiques et d'opinion qui ne cessent de dénoncer l'instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique dans le but de faire taire les voix de la contestation. Arrêtés dimanche soir lors d'une perquisition de la police dans un appartement à Aïn Benian, Mohamed Tadjadit et Malik Riahi ont été placés en garde à vue dans un commissariat à Alger, alors que Soheib, Tarik Debaghi, et Nourredine Khimoud ont été arrêtés lundi matin à bord d'un véhicule à Barika (Batna) et transférés dans la soirée à Alger. L'audition des cinq militants s'est déroulée sur fond de protestation de dizaines de citoyens, qui ont organisé un rassemblement de solidarité devant le tribunal de Sidi M'hamed, à proximité duquel, un étudiant, Mohamed Farouk Cherrih, venu y participer, a été interpellé par les services de sécurité, avant d'être relâché en fin de journée, a indiqué le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). Saïd Chetouane et sa mère ont pris part à ce rassemblement et ont réaffirmé leur soutien total aux détenus du Hirak, dans une nouvelle vidéo diffusée jeudi, dénonçant la diffusion de certaines informations liées à cette affaire par certains médias privés proches du pouvoir, en violation du secret de l'instruction. Les avocats de la défense ont, d'ailleurs, dénoncé la diffusion de ces informations. "Toute déclaration ou information concernant la question de Tadjadit et de ceux qui sont avec lui est non avenue. Elle est destinée à orienter l'opinion publique", a dénoncé Me Yamina Alili, un des membres de la défense, expliquant que "du point de vue juridique, aucune partie n'a le droit de discuter les faits d'une affaire qui fait l'objet d'une enquête préliminaire". L'arrestations de Tadjadit (poète du Hirak) et de Riahi est intervenue après la diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant le témoignage d'un jeune adolescent, Saïd Chetouane (15 ans), accusant la police de sévices corporel et mental, après son arrestation samedi 3 avril lors d'une manifestation à Alger. Les deux militants et anciens détenus avaient diffusé en direct sur Facebook le témoignage du mineur en pleurs, provoquant un choc dans l'opinion publique qui a dénoncé la persistance de ces pratiques dont ont été victimes plusieurs manifestants arrêtés depuis le début du Hirak, il y a deux ans. Mais pour le parquet, tout est tissu de mensonges, affirmant que "les rapports des examens effectués par deux médecins légistes de l'hôpital Mustapha-Pacha affirment qu'il n'y a aucune trace d'acte contre nature". Lors d'une conférence de presse lundi soir du procureur général près la cour d'Alger, Mourad Sid-Ahmed, ajoute que les parents de Saïd Chetouane allaient ester en justice "ceux qui ont entraîné leur fils dans cette aventure". Cependant et selon nos sources, la famille Chetouane n'a pas déposé plainte contre Mohamed Tadjadit et Malik Riahi qui sont ainsi poursuivis pour "diffusion de fausses informations de nature à troubler l'ordre public et atteinte à la vie privée d'un enfant et son exploitation à des fins contraires à la morale", ainsi que pour "incitation à la débauche et détention de stupéfiants pour consommation". Pour rappel, Nourredine Khimoud est déjà poursuivi dans une autre affaire pour "atteinte à l'unité nationale et incitation à attroupement non armé", près le tribunal de Boufarik (Blida), alors que Soheib Debaghi a déjà purgé une peine de prison pour son engagement dans le Hirak et ses publications contre le régime sur les réseaux sociaux. Les manifestations de samedi dernier, lors desquelles Saïd Chetouane avait été interpellé, ont été marquées par l'arrestation de plusieurs autres manifestants, dont au moins 26 d'entre eux ont été placés sous mandat de dépôt lundi, par les tribunaux de Baïnem (Bab el-Oued) et de Sidi M'hamed (Alger).