Le scrutin de la FAF aura lieu aujourd'hui avec un candidat unique, Charref-Eddine Amara, désigné par les pouvoirs publics avant le plébiscite de l'assemblée générale. Pour la démocratie,il faut repasser... Point de place pour le suspense, le nouveau président de la FAF et les membres du bureau fédéral sont connus d'avance. Comme en 2017 avec la cooptation de Kheireddine Zetchi et de son exécutif, les pouvoirs publics, toujours soucieux aussi de garder la mainmise sur le sport roi en Algérie, ont de nouveau décidé de "choisir leur élu" pour la fédération de football. Un commis de l'Etat, P-DG du groupe Madar, Charref-Eddine Amara en l'occurrence, chargé d'une mission bien spéciale, remettre de l'ordre dans la maison sens dessus-dessous de la FAF, consécutivement à une gestion catastrophique de l'ancien locataire de Dély IBrahim. Et si en 2017 le pouvoir n'a pas eu de problème pour évincer l'ancien président de la FAF Mohamed Raouraoua, puisque ce dernier, rompu aux arcanes du pouvoir algérien pour avoir occupé plusieurs postes de responsabilité au sein de l'Etat, n'a pas esquissé la moindre opposition, cette fois-ci KheireDdine Zethi, fils d'un richissime homme d'affaireS qui a fait fortune dans l'industrie de la céramique, a fait preuve d'une opposition farouche. Il aura fallu une intervention expresse du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, pour lui signifier sa fin de mission. Zetchi, après avoir longtemps fait de la résistance, actionnant tour à tour les leviers du coach national Djamel Belmadi, qui n'a pas caché son désir de le voir continuer à régner à la FAF, et ceux de la FIFA, a fini par s'y résigner, la mort dans l'âme, et renoncer à un second mandat. Le clan Zetchi aura beau répandre la menace de la démission de Belmadi, notamment sur les réseaux sociaux, les pouvoirs publics sont restés inflexibles : l'ancien président du PAC, placé par le clan Bouteflika à la tête de la FAF en mars 2017, devait impérativement céder la place à un enfant du nouveau clan au pouvoir. Cependant, le choix de Charref-Eddine Amara nécessitait un autre coup de force pour l'introniser. Il fallait aussi faire sauter les verrous des statuts de la FAF pour pouvoir le rendre éligible. En effet, l'article 26 de ces statuts indique clairement que "les candidats aux fonctions de membres du bureau fédéral et de président de la FAF doivent répondre aux conditions d'éligibilité ci-après : être membre de l'assemblée générale ; être de nationalité algérienne ; être âgé au minimum de 30 ans ; jouir de ses droits civils et civiques ; ne pas avoir subi de sanction sportive grave ; ne pas avoir été condamné pour des délits infamants ; avoir un niveau de formation justifié, soit par des titres universitaires, soit par l'exercice d'une fonction de responsabilité supérieure au sein du secteur public ou privé ; avoir exercé des responsabilités dans des institutions ou associations sportives de football pendant au moins cinq (5) années consécutives". Or, Charref-Eddine Amara, président du conseil d'administration du CRB depuis seulement novembre 2019, ne remplit pas le dernier critère, à savoir "avoir exercé des responsabilités dans des institutions ou associations sportives de football pendant au moins cinq (5) années consécutives". Le président de la commission électorale, Abdelmadjid Yahi, avait d'ailleurs averti les décideurs par apport à ce couac réglementaire bien avant le dépôt des dossiers de candidature. Mais rien n'y fit ; lors de sa réunion, la commission des candidatures a tout de même validé le dossier de Charref-Eddine Amara, avec une seule voix discordante, celle de Yahi. Toutefois, au lieu de faire comme Ali Baameur en 2017 qui a refusé de cautionner la candidature de Zetchi car ne remplissant pas également un autre critère (ne pas avoir subi de sanction sportive grave, suspendu pour six mois par la LFP en 2016), Yahi a préféré se cacher derrière l'argument du vote souverain et majoritaire de la commission pour justifier son maintien à la tête de la commission électorale. Les observateurs estiment du reste qu'il aurait dû démissionner pour marquer sa désapprobation. A-t-il eu peur d'éventuelles représailles, sachant qu'il est le président de l'US Chaouia, qui ambitionne cette saison d'accéder en Ligue 1 ? Avant de passer l'écueil de la commission électorale, Charref-Eddine Amara devait aussi s'assurer du plébiscite des membres de l'assemblée générale. Il ne fallait pas prendre le risque que l'AG donne ses faveurs à un autre candidat. Les pouvoirs publics ont eu du coup l'idée géniale de réunir tous les candidats dans une liste commune, comme au temps du parti unique, avec à sa tête le candidat du pouvoir. Un remake, en fait, de la démarche du président de la FIFA, Gianni Infantino pour désigner le président de la CAF, le Sud-Africain Patrice Motsepe. Le ministère de la Jeunesse et des Sports, à la manœuvre, n'eut aucun mal d'ailleurs à convaincre Amar Bahloul, Yacine Benhamaza et Bachif Mansouri à entrer dans les rangs. D'autres, à l'image de Antar Yahia et de Walid Sadi, victimes du veto de Djamel Belmadi, ont préféré renoncer à la candidature sans faire de bruit. C'est là, du reste, une autre caractéristique des élections de la FAF de 2021. Belmadi a eu son mot à dire. Après avoir tenté de sauver Zetchi et misé, en vain, sur l'ancien ministre de la Jeunesse et des Sports Raouf Bernaoui, Belmadi a décliné carrément l'identité de ceux avec lesquels il ne veut pas travailler. Son vœu a été rapidement exaucé, enfin presque, puisque dans son dernier communiqué on peut aussi déceler que Belmadi n'est pas forcément d'accord avec le choix de Charref-Eddine Amara. Du moins, il ne le soutient pas. Reste enfin l'obstacle de la FIFA. La puissante fédération mondiale a sans cesse réclamé un amendement des statuts de la FAF avant l'élection du nouveau président. Elle l'a clairement expliqué et exigé dans deux correspondances envoyées à la FAF, le 16 octobre 2020 et le 12 février 2021. Mais le MJS, stoïque derrière sa circulaire du 8 juin 2020, qui interdit tout changement de statuts à la fin de mandat, n'a rien voulu savoir. La tutelle tente de rassurer en revanche que cet amendement inévitable aura lieu juste après les élections. Est-ce suffisant pour calmer les ardeurs de la FIFA ? Attendons pour voir !