La commémoration du Printemps berbère a donné lieu à de grandioses et joyeuses mobilisations en Kabylie. Une façon pour les citoyens de renouveler leur fidélité à un des évènements fondateurs dans la longue marche pour la consécration de l'identité millénaire de l'Algérie Devenue quasiment sacrée pour la population de Kabylie qui demeure profondément attachée au double Printemps berbère d'Avril 80 et Printemps noir de 2001, la traditionnelle marche du 20 avril a drainé, hier, à Tizi Ouzou, une marée humaine qui, malgré une tentative de répression de la police, a fini par battre le pavé dans la diversité et la sérénité. Il était à peine 9h passées, lorsque les premiers groupes de manifestants commençaient à se former devant l'entrée principale du campus Hasnaoua de l'université Mouloud-Mammeri, ce lieu mythique d'où les manifestations du Printemps berbère sont parties, il y a 41 ans. Dans la foule, on pouvait reconnaître, entre autres, des militants politiques de différentes tendances, des avocats, des syndicalistes, des médecins et aussi un nombre remarquable de femmes en tenue traditionnelle. Au même moment, des dizaines de fourgons de police commencent à s'aligner, discrètement, sur les ruelles adjacentes. 10h30, la foule envahit la chaussée, mais il lui est impossible d'avancer. Des policiers postés à une dizaine de mètres plus haut font signe aux automobilistes de continuer à circuler normalement. La foule étant devenue dense, la route finit par se libérer et la marche s'ébranler aux cris de "Mazalagh d'Imazighen" (Nous sommes toujours des Amazighs), "Tafsut N'80 Tejrah Ulawen" (Le Printemps 80 a blessé les cœurs) et surtout "Pouvoir assassin" et "Ulac smah ulac". Deux larges banderoles déployées au devant de la marche délivrent également deux autres messages non moins importants pour les manifestants. "Tamazgha= Afrique du Nord", "Ulac L'Vot Ulac", lit-on dessus. La foule arpente lentement la montée menant vers l'esplanade du stade du 1er-novembre. Ses rangs grossissent à vue d'œil. De nombreux manifestants la rejoignent à fur et à mesure. Au début du boulevard Lamali-Ahmed, une large banderole, déployée de bout en bout de la route, décline tous les noms des martyrs du Printemps noir avec leurs portraits. Sur une autre imposante banderole noire écrite en rouge, on peut lire : "Le sang de nos martyrs réclame justice. Le combat continue." Cependant, devant l'entrée de l'université, les militants du MAK, qui scandent des slogans en faveur de l'indépendance de la Kabylie et réclamait la libération de plusieurs de leurs détenus, dont Lounès Hamzi et Djamel Azaïm, sont cernés par un impressionnant dispositif des forces antiémeutes pour les empêcher de participer à la marche du 20 Avril. Selon certains militants, plusieurs interpellations ont même été opérées sur place. La foule a alors rebroussé chemin pour rejoindre l'université et les hommes en bleu ont levé précipitamment leur cordon avant de se retirer dans une ruelle adjacente. Pendant une dizaine de minutes, l'ambiance est devenue électrique et des pierres sont lancées en direction des policiers qui se sont éloignés alors davantage. 11h30. Le calme et la sérenité retrouvés, chacun retrouve son carré et la marche s'ébranle à nouveau. Sur la route de l'hôpital, un nouveau carré se forme et scande les habituels slogans du vendredi. Par-dessus les têtes est déployée une véritable forêt de portraits de détenus d'opinion encore en prison. "Avril 80. Avril 2001. Avril 2021 : le pouvoir n'a pas changé. Halte à la répression. Stop la dictature", lit-on sur une pancarte brandie dans le même carré.