"14 juin 2001-14 juin 2019 : les temps changent, le combat continue", lit-on sur une très large banderole. La mobilisation n'a pas faibli à Tizi Ouzou. Bien au contraire, ce 17e vendredi de manifestation pour le départ du système a drainé encore plus de monde que d'habitude. Il y avait la clémence des températures mais c'était, sans doute, la coïncidence de la journée d'hier avec le 18e anniversaire de l'historique marche vers Alger, le 14 juin 2001, qui a été pour beaucoup dans cette particulière mobilisation. En effet, nombreux étaient, hier, ceux qui disent avoir été interpellés par la forte charge symbolique de cette date et qui ont vu dans cette coïncidence une espèce de "revanche de l'histoire" à laquelle il fallait absolument prendre part. "14 juin 2001-14 juin 2019 : les temps changent, le combat continue", lit-on d'ailleurs sur une très large banderole blanche déployée à la tête du premier carré qui s'est ébranlé, comme à l'accoutumée, à 13h30, de l'entrée de l'université Mouloud-Mammeri, sous les cris de "Pouvoir assassin", "Mazalagh d Imazighen", "Kabylie chouhada", "Ulac, ulac, ulac smah ulac", "Système dégage". Plus haut, sur l'esplanade du stade du 1er-Novembre, une autre foule dense attendait. Les dizaines de banderoles et pancartes noires écrites en blanc qui y ont été déployées laissaient aisément deviner qu'il s'agissait d'un carré dédié exclusivement aux 128 jeunes assassinés par la gendarmerie en 2001 dans la région. Sur une d'elles, on pouvait lire les derniers mots prononcés par le tout premier martyr, Guermah Massinissa, avant de succomber sous les balles des gendarmes à l'intérieur même de la brigade de gendarmerie à Beni Douala. Sur une autre : "Le sang des martyrs du Printemps noir réclame justice." Sur une autre encore, on pouvait lire : "La 2e république commence par le jugement des assassins des martyrs du Printemps noir." De nombreuses pancartes reprenant le mot "Liberté", écrit avec son sang par un autre jeune tué à Azazga, étaient également brandies par les manifestants qui scandaient : "Zerhouni assassin", "Jugez les gendarmes". S'en est suivi un silence de cathédrale devant le CHU de Tizi Ouzou, où une minute de silence a été observée à la mémoire de ces jeunes qui ont payé de leur vie leur soif de liberté et de démocratie. Bien que la mémoire des martyrs du Printemps noir ait prédominé durant la manifestation d'hier, l'objectif principal du mouvement populaire n'a pas été pour autant perdu de vue par l'impressionnante foule qui a déferlé sur le centre-ville de Tizi Ouzou. Preuve en est, tous les slogans habituels exigeant un changement radical du système étaient repris tout au long de l'itinéraire menant jusqu'à la place de L'Olivier, point de chute de la marche. "Daoula madania, matchi aâskaria", "Anelhou, anelhou alama yeghli udavu", "Y en a marre, y en a marre des généraux", et d'autres encore. Sur des banderoles et pancartes brandies, on pouvait également lire : "Le peuple n'est pas dupe pour croire à vos fausses arrestations tant que la justice n'est pas indépendante", "Bensalah, tu ne nous représentes pas, dégage", "Gaïd Salah détrône un clan pour en installer un autre" et encore : "Nous ne voulons rien de votre part, juste votre départ." À souligner que la matinée d'hier a été quelque peu houleuse devant l'université de Tizi Ouzou en raison de l'opération chasse à l'homme lancée par la police à l'encontre des militants du MAK, venus, eux aussi, commémorer cette triste date, où un lynchage en règle avait été opéré, en 2001, contre les manifestants kabyles à Alger.