Lorsqu'on voit comment et de quelle manière Oran a été construite, une certitude s'impose à l'esprit : chaque communauté a dû imposer, à un moment ou à un autre de son histoire, sa touche particulière, sa griffe, sa marque et son label de fabrication. Les Français, à partir de 1890, par exemple, édifièrent sur le terre-plein de leur place d'Armes un hôtel de ville au toit d'ardoise presque identique à celui de leur mairie en Alsace. Ils y accolèrent même dans le style pompeux du deuxième empire un opéra. Les Espagnols se feront, eux aussi, un petit plaisir, mais plus tard avec la réalisation d'arènes pour leur tauromachie. Il y aura, d'ailleurs, de superbes corridas au cours des années 1950. Même Dominguez, le plus grand de tous les toréadors, y fera quelques exhibitions. Les vieux Oranais, qui ont appris le catalan en vivant aux côtés des réfugiés républicains, connaissent toutes les passes de ce sport, son code, ses interdits. Ils apprécient aussi bien le foot que les taureaux. Et du reste, quand Fidel Castro s'adressera à eux en 1976 au terme d'une visite qui l'aura mené à Mers El Kebir et Mostaganem, il n'éprouvera aucune difficulté à se faire entendre ou à se faire comprendre. Le public applaudira au bon moment et scandera son nom au bon moment. Le président Boumediene, qui l'accompagnait, n'en revenait plus. Mais pour les Arabes, qu'a fait l'administration coloniale ? Pas grand-chose, vous vous en doutez, sinon qu'elle a autorisé l'ouverture d'une medersa (El Fallah) en ville nouvelle et la nomination, pour la première fois dans l'histoire du gouvernorat de l'Algérie, d'une caïda, c'est-à-dire une femme caïd. Le choix du premier collège sera porté sur H'lima, la fille d'un notable bien en vue à Oran et dont le caractère trempé fera reculer plus d'un insolent. Avant la fin du XIXe siècle, Oran était à peine une commune et les indigènes qui y voyaient le jour étaient inscrits sur les listes d'état civil de la manière suivante : x, fils de y, est présumé né en 1876 dans une tribu d'Oran. M. M.