Carence L?Algérien se voit contraint d?aller chercher ailleurs son histoire, dans des livres écrits par d?autres. Il y a, en effet, un déficit effarant en matière d?histoire. Cela participe énormément et de manière très sensible à une crise d?identité, à un trouble de la personnalité, faisant réagir l?individu dans des attitudes complexes et irrégulières et l?immergeant dans des situations conflictuelles, le laissant interrogatif, incertain sur sa personne, perplexe sur son passé. D?où le désir de prospecter ? une quête de soi ? dans les livres d?histoire tout ce qui a trait à l?Algérie et à son passé millénaire. Les librairies constituent un lieu approprié pour ces curieux, ces quêteurs d?identité, désireux d?en savoir davantage sur leur histoire. Elles offrent un choix très substantiel en matière de livres. On y trouve de nombreux ouvrages se rapportant à l?histoire de l?Algérie et ce, de la préhistoire à nos jours, en passant par les différentes périodes qu?a connues le pays. Il y a effectivement un engouement perceptible en ce sens depuis quelques années de la part des gens. Un désir constant de vouloir renforcer sa personnalité nationale. En parcourant les rayons des librairies, la période la plus remarquée est celle qui s?étale sur les années de la Guerre de Libération nationale. Il y a aussi des ouvrages parlant des différents moments qui ont marqué l?époque coloniale, ou des livres qui traitent de la domination ottomane ; certains relatent l?Antiquité, alors que d?autres encore retracent la préhistoire. Tous constituent une référence notable à ce passé jusqu?alors méconnu de la plupart des Algériens. Il se trouve cependant que l?accès à cette histoire se fait d?une manière indirecte. Autrement dit : pratiquement tous les livres concernant l?histoire de l?Algérie sont écrits par des étrangers, notamment des Français, c?est donc à travers le prisme de l?autre que l?on a connaissance de notre passé, un regard qui n?est pas le nôtre, donc étranger. Nous constatons, par ailleurs, que ces livres, pour la plupart, sont des rééditions. Très peu sont nouvellement écrits. Cela rétrécit le champ d?action de l?Algérien, puisque l?Histoire n?est jamais fixe, elle n?est pas une science exacte. Dynamique, constante, elle est en perpétuelle écriture et réécriture à partir du moment où de nouveaux témoignages peuvent resurgir d?une génération à l?autre, ainsi que des éléments nouveaux et des faits historiques inédits peuvent apparaître à n?importe quel moment pour nous éclairer et nous dire autrement notre histoire, remettant donc en question toutes les interprétations faites auparavant. L?accès indirect à notre histoire est dû au fait qu?il n?existe pas une écriture ? ou réécriture ? récente de l?identité historique de l?Algérie dans ses variantes spatiales et temporelles par des historiens algériens, et d?une manière sage, juste, équilibrée, continue et objective. Notre histoire se «fabrique», s?écrit sous d?autres cieux. Curieux et désireux de se voir à travers ce miroir qu?est l?Histoire, l?Algérien, n?ayant point d?alternative, se voit contraint d?aller chercher ailleurs, dans les livres écrits par les autres, et en s?appuyant sur leurs témoignages et versions, pour se dire, se nommer, se considérer dans un discours spécifique et se situer avec certitude dans le présent.