C'est un 1er Mai pas tout à fait comme les précédents pour les millions de travailleurs algériens, pris en tenailles entre un pouvoir d'achat en perpétuelle érosion et les effets d'une crise financière dont on ne voit pas encore le bout du tunnel. Avec l'inflation et le chômage en hausse, l'appauvrissement des classes sociales s'est accentué ces dernières années, sur fond de craintes de faillites et de plans sociaux en cascade et une casse sociale sans précédent. Les mouvements de grève et de protestation qui rythment le front social de ces dernières semaines sont annonciateurs d'une tension qui monte d'un cran autour de revendications salariales longtemps occultées. Les actions de protestation se sont multipliées ces dernières semaines, signe d'une insoutenable cherté de la vie aussi bien pour les petites bourses, laminées par une inflation qui repart au galop, que pour les classes moyennes qui ont consenti l'essentiel des sacrifices depuis 2015. Entre pression fiscale et hausse des prix qui ont caractérisé les années post-choc pétrolier de 2014, la résilience des classes moyennes a fini par montrer d'importantes fragilités au fil des années, faute de mesures salariales compensatoires. Le Fonds monétaire international (FMI) a conclu, à juste titre, dans ses dernières prévisions sur l'Algérie que le chômage et l'inflation se révèlent désormais de véritables bombes à retardement dont le compte à rebours a été d'ores et déjà déclenché par la crise sanitaire. Les inquiétudes pour l'emploi et le pouvoir d'achat ont été aggravées par la pandémie de Covid-19 ; le FMI anticipant un taux de chômage de 14,5% cette année et de 14,9% l'an prochain, contre 14,2% l'an dernier. Le coût social de la crise s'aggraverait davantage faute d'une réponse suffisante en matière de soutien aux entreprises et à la croissance. Celle-ci devrait rebondir à seulement 2,9% cette année avant de retrouver son canal baissier dès 2022 avec, au tableau, une croissance de 2,7% seulement ; très insuffisante pour absorber les milliers de demandeurs d'emploi qui arrivent sur le marché du travail. De l'avis des économistes, l'économie a besoin d'une croissance égale ou supérieure à 6% pour pouvoir créer suffisamment d'emplois et inverser ainsi la tendance en matière de chômage. Au chapitre de l'inflation, la hausse des prix risque d'aggraver la pauvreté de certaines classes sociales, fragiliser la reprise tant attendue et attiser la grogne sociale qui commence d'ores et déjà à se manifester dans certains secteurs d'activité. Dans ses dernières projections, le FMI dit s'attendre à un net rebond de l'inflation, tablant sur une moyenne annuelle de 4,9% en 2021 et de 6% l'an prochain contre un taux annuel de 2,4% en 2020. La facture devrait s'alourdir davantage pour les ménages et les entreprises dont la trésorerie a été affaiblie par les multiples ajustements qu'a connus le dinar ces dernières années. Au fil des années, la dévaluation du dinar à des fins de paramétrage macroéconomique a fini par éroder davantage le pouvoir d'achat des ménages et des entreprises. Le projet d'une réforme du dispositif des subventions dès le second semestre de l'année devrait se traduire par une nouvelle hausse de l'inflation. Or, cette "vérité des prix" à laquelle voudrait aboutir le projet de réforme du gouvernement exige nécessairement une "vérité des salaires" sans laquelle des classes sociales entières seront vouées à la paupérisation.