Les expatriés rejettent les conditions de retour draconiennes et coûteuses mises en place par le gouvernement. Ils dénoncent par ailleurs la limitation du nombre des vols. Nos compatriotes se sont fortement mobilisés hier un peu partout en France contre les mesures draconiennes d'entrée sur le territoire national mises en place par les autorités. À la suite des appels lancés ces derniers jours sur les réseaux sociaux, plusieurs rassemblements ont été organisés, devant l'ambassade d'Algérie à Paris, les postes consulaires, notamment ceux de Toulouse, de Lille et de Marseille, et les agences d'Air Algérie sur le territoire français. Les manifestants, de tous âges, venus, parfois, en famille, ont exprimé avec des slogans, des affiches et des prises de parole, leur colère et leur désarroi, accusant les autorités algériennes de poursuivre une politique de ségrégation à leur égard et de vouloir les dépouiller en imposant un pack de voyage très coûteux. "Vous nous avez privés de notre pays pendant 15 mois et vous voulez à présent sucer notre sang en nous faisant payer notre retour chez nous au prix fort. Aucun autre Etat au monde n'a empêché ses ressortissants de se rendre dans leur pays pendant une si longue période", a dénoncé un père de famille dans un discours improvisé devant le consulat de Lille. Contrairement à des documents circulant sur les réseaux sociaux, la compagnie aérienne nationale n'a pas encore dévoilé le montant du pack de voyage envisagé (avec tests et quarantaine payants). Mais déjà, les conditions de retour et le nombre de vols — trois par semaine depuis la France — communiqués par le Premier ministre Abdelaziz Djerad le 24 mai dernier, ont mis le feu aux poudres. "Honte à vous", pouvait-on lire sur une pancarte brandie par Nafissa, une manifestante devant l'ambassade d'Algérie à Paris. En avril dernier, la jeune femme de quarante ans a perdu son mari mais à cause de la suppression des autorisations spéciales d'entrée sur le territoire national, elle n'a pas pu accompagner sa dépouille en Algérie. "Même maintenant, je ne peux pas aller me recueillir sur sa tombe. Par qui sommes-nous gouvernés. Sont-ils des humains comme nous ?", s'interroge la veuve au bord des larmes. Son frère qui l'accompagnait dénonce, outre les frais du voyage, la limitation du nombre des vols. "Même si je suis prêt à payer. Qui me garantira une place dans un avion ?", se demande-t-il consterné. Devant l'agence d'Air Algérie, dans le quartier de l'Opéra, à Paris, une foule compacte s'est formée dès le matin. Beaucoup de compatriotes se sont rendus sur place, certains pour manifester leur mécontentement et d'autres pour voir si les mesures prises par les autorités seront vraiment appliquées. "Il y a des informations qui laissent entendre que le gouvernement pourrait assouplir les conditions de voyage et augmenter le nombre de vols", révèle avec scepticisme Akli, un vieil émigré rencontré sur les lieux. Depuis quarante-cinq ans, soit la durée de toute sa vie en France, il n'a jamais manqué un été en Algérie sauf en 2020. Cette fois aussi, il sait que probablement il ne partira pas. "Ce n'est pas avec ma misérable pension de retraite que je vais payer tout ce qu'ils me demandent", confesse le vieil homme. Depuis plusieurs jours, des appels au boycott de la compagnie aérienne nationale sont lancés sur internet. Les émigrés reprochent à Air Algérie de continuer à prendre des réservations pour des vols, à des prix exorbitants, alors que son plan de reprise n'a pas encore été rendu public. "Laissez les avions rouiller ou voler complètement vides", ont revendiqué des manifestants. Sur des pancartes, Air Algérie a été rebaptisée ironiquement "Air el-îssaba" pour "rapatrier l'argent volé", sur le dos des émigrés. Des slogans pro-Hirak ont également ponctué les rassemblements d'hier. "Djazaïr horra democratia", a notamment scandé la foule devant l'ambassade d'Algérie à Paris. Outre les sit-in organisés hier, samedi, d'autres rassemblements sont prévus dans les prochains jours. Pour faire face à la présence massive des manifestants, l'ambassade et les consulats d'Algérie ont fait appel à la police française. Samia Lokmane-Khelil