Dans un communiqué rendu public, hier, le ministère des Affaires étrangères considère que l'amalgame fait entre le problème de l'immigration et la question du Sahara occidental est “inapproprié et injustifié”. C'est dans une situation particulièrement difficile que Larbi Belkheir, nouvel ambassadeur d'Algérie au Maroc, prendra ses fonctions à Rabat. L'épineux problème des migrants africains vient de relancer le différend sur la question du Sahara occidental. Mais le Maroc, dont l'image a été écornée par les photos d'émigrants africains abandonnés dans l'indigence au milieu du désert, s'en est défendu en fustigeant l'égoïsme de l'Europe et le laxisme de l'Algérie qui l'obligent à faire le “sale boulot”. Le porte-parole du gouvernement marocain l'a fait savoir, jeudi, lors d'une conférence de presse à Paris, et relayé hier par Taïeb Fassi-Fihri, ministre délégué aux Affaires étrangères qui s'en est violemment pris à notre pays en déclarant que plusieurs émigrants africains “ont été interceptés à dessein, puis rassemblés en vue d'être présentés à certains médias pour appuyer une thèse sur de prétendus territoires libérés”. Tout en écartant que le phénomène de l'émigration est sans relation aucune avec le conflit sahraoui, le ministre n'en n'a pas moins affirmé que “l'Algérie et le Polisario exploitent ainsi, intentionnellement, sur les plans médiatico-politiques, le calvaire enduré par les Africains”. La réaction d'Alger ne s'est pas fait attendre. Dans un communiqué rendu public, hier, le ministère des Affaires étrangères s'est déclaré “surpris que les autorités gouvernementales marocaines s'adonnent, depuis plusieurs jours, à une escalade déplorable de propos malveillants et diffamatoires contre l'Algérie dans le contexte de la situation difficile qui s'est développée sur le territoire marocain”. Et d'ajouter : “La malheureuse fuite en avant dont ces autorités donnent le spectacle désolant ne concerne en rien l'Algérie. Cette fuite en avant ainsi que l'amalgame inapproprié et injustifié qui est fait entre le problème complexe de l'immigration clandestine et la question de la décolonisation du Sahara occidental sont le témoignage d'une dérive politique et morale regrettable”. Plus loin, Alger considère que “l'hostilité malheureuse à l'Algérie que Rabat ne cesse d'entretenir ne saurait avoir le moindre impact sur des positions algériennes conformes à la légalité internationale et inscrites dans la cohérence de l'histoire”, et affirme qu'elle “continuera à déployer des actions fondées sur des valeurs pour la solution de chacun des problèmes en question sans confusion arbitraire ni lien artificiel”. Le communiqué conclut en affirmant que “le phénomène de l'immigration se pose à l'Algérie et à d'autres pays de transit involontaire dans des termes comparables et il n' y a pas de solution juste et durable que concertée dans son élaboration et coordonnée dans sa mise en œuvre” et que “face au déferlement d'accusations fantaisistes, fallacieuses et outrancières du Maroc manifestement à la recherche de responsables de substitution pour ses propres actes, l'Algérie prend résolument le parti de la sérénité et de la pondération”. Cependant, l'affaire des émigrants africains a pris une dimension internationale et l'Union européenne dont le projet de mise en place de zone de transit au niveau des pays du Maghreb lui tient toujours à cœur n'a pas raté l'opportunité pour suggérer cette fois-ci l'idée d'un sommet algéro-marocain sur les frontières. Et c'est le commissaire européen à la liberté, la sécurité et la justice Franco Frattini qui l'a annoncé mercredi à Bruxelles en mettant en relief la complexité de la situation qui prévaut dans la région. “Les renseignements suggèrent que 20 000 immigrants subsahariens sont en attente en Algérie prêts à commencer leur voyage au Maroc vers Ceuta et Melilla, alors que 10 000 autres attendent au Maroc”, avait-il précisé. Reprenant les critiques du Maroc sur l'Algérie, M. Frattini va “proposer que l'UE organise un sommet avec l'Algérie et le Maroc au sujet de la protection de leurs frontières”. Comme l'Algérie ne considère pas actuellement les questions migratoires comme une priorité, “nous pourrions envisager des compensations comme des facilitations de visas”, avait-il souligné, ce que les Européens refusent cependant aux Marocains dans leurs négociations actuelles sur la conclusion d'un accord de réadmission des clandestins. Alger n'a pas encore réagi à la proposition du représentant de l'UE en charge du dossier de l'émigration. Mais elle avait déjà émis une fin de non-recevoir à l'idée de l'installation de zones de transit pour les émigrés clandestins dans les pays du Maghreb considérant que le flux migratoire vers l'Europe, qui d'ailleurs devrait augmenter dans les prochaines années en raison de l'absence de perspectives de croissance dans les pays du Sahel plus particulièrement, relève beaucoup plus d'une stratégie de développement dont bénéficierait la rive sud. Il en est de même pour la proposition d'un sommet algéro-marocain sur les frontières qui serait organisé sous l'égide de l'UE. Alger qui a toujours rejeté toute ingérence dans ses rapports avec Rabat ne peut accepter une telle proposition dès lors que le différend entre les deux Etats ne se limite pas à la seule question des frontières. Outre la question du Sahara ou Rabat s'entête à présenter l'Algérie comme partie prenante du conflit, Alger attend toujours des excuses officielles après les accusations qui se sont avérées par la suite non fondées sur l'implication des services algériens dans les attentats de Marrakech en 1994. Mais en attendant que les choses bougent, Rabat doit se rendre à l'évidence qu'il ne pourra pas toujours jouer la diversion face à une situation sociale des plus difficiles surtout avec la crise du textile qui a déjà causé la perte de quelque 300 000 emplois… Salim Tamani