Au détour de la visite la semaine dernière à Alger du chef de la diplomatie française et du président du Conseil espagnol, l'affaire sahraouie est revenue au premier plan. Les observateurs ne s'y sont pas trompés et ont pris cette offensive conjuguée franco-espagnole pour ce qu'elle était en fait, une pression, quelque peu tranchante - même si elle n'est pas concertée - sur Alger dans l'objectif d'amener l'Algérie à un dialogue direct avec Rabat sur la question du dossier de Saguiet El Hamra et de Rio de Oro (Sahara occidental). Cette donne est renforcée par l'annonce, à Madrid, d'un «plan» pour le Sahara occidental, que le président du Conseil espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, aurait conçu, et la déclaration à Rabat du ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement marocain, Nabil Benabdallah, la veille de la venue à Alger du ministre marocain de l'Intérieur, Mostafa Sahel, selon lequel, «le ministre de l'Intérieur examinera à Alger l'ensemble des questions bilatérales, parmi lesquelles le dossier du Sahara (occidental)». Face à ces manoeuvres qui tendent à faire du contentieux sahraoui un problème algéro-marocain, il fallait que l'Algérie réagisse et explicite sa position d'une part, rétablisse les faits d'un dossier dont les antagonistes restent le royaume chérifien qui occupe illégalement le territoire sahraoui, et le mouvement de libération sahraoui, le Front Polisario, d'autre part. Sahara: une question de légalité La réaction d'Alger est venue hier dans une vigoureuse mise au point du ministère algérien des Affaires étrangères qui met les points sur les «i» - au moment où le ministre marocain de l'Intérieur débarquait à l'aéroport Houari-Boumediene - dans une affaire qui avait trop tendance, ces derniers jours, à sortir de son cadre naturel qui est l'ONU, et de son caractère, un territoire à décoloniser. Ainsi, dans une déclaration en forme de mise au point, le ministère des Affaires étrangères réitère la position de l'Algérie sur la question du Sahara occidental et réaffirme «l'attachement de l'Algérie à la légalité africaine et internationale concernant la question du Sahara occidental», considérant qu'il s'agit «d'une question de décolonisation à parachever sur la base du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes à travers la mise en oeuvre scrupuleuse et diligente du plan Baker et de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental». Le communiqué susmentionné relève par ailleurs, que «des déclarations de certaines personnalités gouvernementales étrangères relatives à la question du Sahara occidental ont tendance à faire un amalgame, malencontreux et fallacieux, entre les relations bilatérales algéro-marocaines, l'édification unitaire maghrébine et le règlement de la question du Sahara occidental». C'est ainsi que la déclaration affirme : «Par esprit de responsabilité envers tous les peuples de la région comme à l'égard de la communauté internationale dans son ensemble, l'Algérie tient à réitérer solennellement sa position constante, bien connue en la matière, en soulignant tout particulièrement les points fondamentaux suivants : «L'Algérie ne subordonne l'approfondissement et le développement de ses relations de fraternité, de bon voisinage et de coopération avec le royaume du Maroc à aucune conditionnalité ni restriction. Elle est disponible pour la prise de mesures et d'initiatives concertées dans un cadre de réciprocité et de sérieux dans la mise en oeuvre des accords conclus, pour donner aux relations algéro-marocaines l'impulsion et la consistance qu'elles méritent pour être hissées au diapason des aspirations des peuples algérien et marocain». Expliquant la conviction immuable de l'Algérie dans la construction du Grand Maghreb, la déclaration indique: «L'Algérie réaffirme sa foi inébranlable en l'idéal maghrébin ainsi que son ferme engagement en faveur de la dynamisation de l'Union du Maghreb arabe. Elle souligne que la construction unitaire maghrébine constitue une oeuvre identitaire de grande portée qui correspond à un besoin impérieux pour le développement et la prospérité de tous les pays de la région. En tant qu'expression de la fidélité de chacun des peuples maghrébins à sa propre histoire et en tant que réponse collective adéquate aux multiples défis de l'époque contemporaine, l'édification du Grand Maghreb arabe est dans l'intérêt le mieux compris de chacun des pays maghrébins. Ce grand projet civilisationnel ne saurait être valablement soumis à quelque préalable unilatéral que ce soit». Relevant l'intérêt attaché au développement des relations entre l'Algérie et le Maroc, le ministre des Affaires étrangères affirme, «L'Algérie considère que le développement des relations algéro-marocaines et l'accélération de la construction unitaire maghrébine ont naturellement vocation à contribuer à la création d'un climat politique favorable à l'avènement progressif d'une ère qualitativement nouvelle à l'échelle de la région maghrébine. C'est d'ailleurs cette conviction et cette attente qui ont été solidairement invoquées au moment du rétablissement des relations diplomatiques entre l'Algérie et le Maroc ainsi que de la fondation de l'Union du Maghreb arabe alors même que le conflit du Sahara occidental était encore dans une phase de confrontation militaire active entre le royaume du Maroc et le Front Polisario. Partant, l'Algérie réaffirme que nul n'est à présent fondé à soutenir que les relations algéro-marocaines et la relance de l'Union du Maghreb arabe seraient tributaires du règlement de la question du Sahara occidental et, encore moins, d'une forme unilatéralement fixée dudit règlement.» Les convictions d'Alger réitérées Revenant enfin sur la question sahraouie, le communiqué réitère l'attachement d'Alger au droit international et au droit pérenne des peuples à l'autodétermination, et souligne que «l'Algérie réaffirme son attachement indéfectible a la légalité africaine et internationale concernant la question du Sahara occidental. Il s'agit d'une question de décolonisation à parachever sur la base du droit imprescriptible des peuples à disposer d'eux-mêmes à travers la mise en oeuvre scrupuleuse et diligente du plan Baker et de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental qui a été adopté à l'unanimité par le Conseil de sécurité des Nations unies. L'Algérie, qui nourrit le plus grand respect pour le peuple marocain frère, réaffirme que ce n'est qu'avec les autorités dirigeantes du Front Polisario que la paix se fera et que la recherche d'un interlocuteur de substitution, en l'occurrence l'Algérie, ne conduit qu'à l'impasse et ne fait que prolonger indûment une situation préjudiciable aux peuples de la région. Tout en demeurant pleinement disponible pour apporter sa contribution, dans les limites de son statut de pays voisin du territoire du Sahara occidental et de partie intéressée par le processus conduit par les Nations unies, à une dynamique authentique de paix, l'Algérie veut croire que les deux parties assumeront leurs responsabilités primordiales et historiques en se retrouvant dans une vision généreuse du destin commun de tous les peuples maghrébins autour des valeurs d'égalité, de solidarité, de démocratie et d'unité». Dans cette déclaration très claire, Alger met un terme à l'équivoque que d'aucuns entretenaient sur les tenants de l'affaire sahraouie et, plus singulièrement, la position de l'Algérie sur la décolonisation du Sahara occidental en rétablissant les faits tels que consignés par les plans de paix de l'ONU, notamment le plan Baker rejeté par le Maroc. Cette vigoureuse mise au point est en fait devenue nécessaire face à l'amalgame qu'on veut perpétuer autour du problème sahraoui et de la pseudo-implication de l'Algérie dans une solution qui ne concerne que les deux belligérants que sont le Maroc et le Front Polisario. De fait, le seul rôle que revendique l'Algérie, est celui, à l'instar de la Mauritanie, d'observateur dans un dossier qui concerne deux pays voisins, frères et amis.