L'essor de la délinquance et de la criminalité en milieu urbain est à l'origine de cette augmentation. Selon des sources proches de la chancellerie, 50 000 individus séjournent actuellement dans les 127 établissements pénitentiaires disséminés à travers le territoire national. Officiellement, le nombre de prisonniers est arrêté à 42 000. Si la proportion des détenus terroristes, dits spéciaux, est en baisse — il serait dérisoire actuellement —, les pensionnaires de droit commun font valoir une augmentation assez inquiétante. Elle est alarmante à plus d'un titre. D'une part, la pression sur les prisons dénote un essor de la délinquance et de la criminalité. D'autre part, elle suggère des conditions carcérales épouvantables. Ce qui complique davantage la mission de l'administration pénitentiaire en charge de réformer la gestion du monde carcéral et de l'humaniser. Très loin des standards internationaux, les prisons algériennes sont surpeuplées. L'espace réservé à chaque détenu n'excède pas 1,86 mètre, alors que la norme européenne par exemple prévoit 12,2 m. Des pénitenciers plus que d'autres sont confrontés à cette congestion. À elle seule, la maison d'arrêt d'El-Harrach accueille 2 500 incarcérés. 40% approximativement ont moins de 27 ans. La prééminence des jeunes est symptomatique du déclin social. L'existence d'un nombre important de récidivistes est également la preuve de cette déliquescence. La moitié des individus en détention actuellement sont des habitués de la prison. L'absence de mécanismes de réinsertion les empêche de retourner sur le droit chemin. En revanche, la prison constitue pour eux l'école du crime par excellence. Certes, des aménagements introduits en faveur de la réforme tendent à prévenir la contagion des primaires par les récidivistes en les séparant. Des castes y ont été créées en tenant compte de la nature de la peine, mais également de l'âge. À leur tour, les condamnés définitifs sont isolés des prévenus, souvent en grand nombre. D'ailleurs, une des raisons de la congestion des prisons réside dans le recours abusif à la détention préventive. Des avocats et des défenseurs des droits de l'Homme sont unanimes à dire que cet usage est exorbitant. Plus d'un tiers de la population carcérale est formé de prévenus. Ayant conscience de cette pratique, la chancellerie a instruit les magistrats afin d'éviter au maximum le recours au mandat de dépôt. Le désengorgement des prisons a motivé, quant à lui, une série de mesures. Au chapitre droit, la nouvelle loi pénitentiaire favorise le recours à la liberté conditionnelle. Les grâces décidées régulièrement par le président de la République sont de nature également à alléger la pression sur les centres de détention. Il est à noter que sur les 127 prisons du pays, 59 datent du XIXe siècle et 36 bâties entre 1900 et 1962. Le plan quinquennal de la chancellerie prévoit la construction de 42 pénitenciers d'une capacité de 36 000 places à l'horizon 2009. La réalisation de ces infrastructures aboutira à la fermeture des plus anciennes, dont Serkadji au centre de la capitale. SAMIA LOKMANE