A Tiaret, comme ailleurs en Algérie, la tradition veut que le mois de ramadan soit caractérisé par une forte mobilisation sociale au profit des personnes ou des familles vulnérables. Dans cette perspective, les pouvoirs publics se sont impliqués cette année par l'apport d'une cagnotte de 35 millions de dinars représentant un montage conjugué entre le fonds de wilaya, le ministère de la Solidarité, l'APW, les APC et les entreprises publiques et privées ainsi que les bienfaiteurs particuliers. Dans un communiqué émanant du cabinet du wali, il est fait état de l'ouverture de 15 restaurants “rahma” conçus pour servir quotidiennement, et durant tout ce mois sacré, 9 000 repas chauds aux démunis et personnes de passage dans la région. De même, il est escompté la livraison, pour la première tranche, de 20 000 colis alimentaires, contenant des denrées de première nécessité, destinés aux familles nécessiteuses. Cependant, si les restaurants, encadrés par pas moins de 450 bénévoles, répondent amplement aux attentes de la catégorie ciblée, le paradoxe est amèrement noté au niveau de la distribution de ces colis que l'on peut, à juste titre, qualifier de “couffins de la honte” dans la mesure où ni la qualité ni la quantité ne sont respectées. Un impair qui a d'ailleurs engendré le courroux de plusieurs bénéficiaires venus même montrer aux journalistes qu'ils ont tenu de prendre à témoins de cette duperie, les “rations” acquises.” Quotidiennement rassemblés au niveau de la rue Saïm-Djillali, où se trouve la maison des ligues et associations, ces derniers précisent avoir choisi ce site afin de mettre à nu les promesses non tenus de certains “supermen” qui ont pour habitude de les y réunir lors de nombreuses rassemblements électoralistes. “C'est ici même que ces pseudo-notables nous ont fait appel tout récemment afin de nous utiliser dans la campagne référendaire”, nous martelait lucidement un homme d'un certain âge qui prétend être de la famille des victimes du terrorisme. En ce mois de la rahma, des personnes en détresse sont même chassées du centre du CRA de Karman conçu pour des “asiles de nuits”, notamment aux femmes SDF. C'est le cas de deux jeunes femmes, Fatima et Abdia, âgées de 40 et 27 ans, lâchées par les leurs avec deux fillettes de 11 mois et deux ans sur les bras. Rencontrées dans un restaurant "rahma", elles n'ont pas hésité de nous livrer leurs témoignages pour le moins affligeants. “Après des mois passés au sein de ce centre où je devais journellement faire de la serpillière, je me trouve vertement mise à la porte par la présidente du comité du C-RA qui s'avère finalement d'une méchanceté inégalée”, nous avouait Fatima qui, après un long souffle, ne put retenir ses chaudes larmes synonymes d'un profond désespoir. Quant à Abdia, sa répudiation de ce centre est attribuée, selon sa version, au seul péché d'avoir livré une déclaration qu'elle a dû d'ailleurs nier, sur les ondes de la radio locale et d'avoir côtoyé une femme bénévole dissidente du C-RA et que l'on prend pour une rivale jurée de la responsable du C-RA à Tiaret. “Loin de penser uniquement à cette période, mais ce qui m'inquiète à présent, c'est ce que je vais devenir moi et mon bébé lors de la saison hivernale qui pointe déjà à l'horizon”, nous confiait-elle avant d'enchaîner : “Dans la rue, on est livré à l'usure, à la détresse, à la solitude, voire au mépris de l'autre et au dangers de toutes sortes.” S'agissant des conséquences que ces situations risquent de présenter au moment où le monde se mobilise davantage contre la pauvreté et la malnutrition, deux questions méritent d'être évoquées : Y'a-t-il “hypocrisie” sous roche en parlant, chez nous, de l'action de solidarité ? Quel est le médecin qui oserait inscrire un jour “misère noire” comme cause de déchéance ou de décès d'un SDF ? En somme, la balle est dans le camp des pseudo-humanistes qui préfèrent se pavaner dans des salons de luxe à défaut de s'organiser autour d'un voyage de complaisance à l'étranger... au lieu de contribuer au bien-être d'autrui. R. SALEM