Le Premier ministre reproche au président d'entraver la formation du gouvernement en cherchant à imposer une répartition "confessionnelle et partisane" des portefeuilles. Le Premier ministre désigné au Liban, Saad Hariri, a annoncé jeudi renoncer à former un gouvernement, près de neuf mois après sa nomination, en raison de son désaccord avec le président Michel Aoun, autour notamment de la configuration du gouvernement et de la répartition des portefeuilles ministériels que Saad Hariri avait la charge de former en guise de préalable pour débloquer les aides internationales. Cette décision est le cumul du neuf mois de blocage institutionnel qui dure depuis l'explosion du port de Beyrouth, au cours duquel MM. Hariri et Aoun ont plusieurs fois affiché leurs désaccords ces derniers mois, notamment au cour d'une passe d'armes publique en mars. M. Hariri reprochait au président d'entraver la formation du gouvernement en cherchant à imposer une répartition "confessionnelle et partisane" des portefeuilles. Le Premier ministre désigné réitérait, lui, son attachement à un gouvernement de technocrates, réclamé à l'international. M. Hariri a indiqué à la presse avoir rencontré jeudi le président Michel Aoun, qui réclamait des amendements à la liste du gouvernement à auxquels il s'opposait. "Il est clair que la position (de Michel Aoun) n'a pas changé", a-t-il déclaré. "Je lui ai proposé plus de temps pour réfléchir et il a dit : 'Nous ne pourrons pas nous mettre d'accord.' C'est pourquoi je me suis excusé de ne pas pouvoir former le gouvernement." La présidence a répondu dans un communiqué que M. Hariri "n'était prêt à discuter d'aucun amendement". "Quel est l'intérêt d'un jour supplémentaire si la porte des discussions est close ?" Cela a lieu alors que depuis plusieurs mois M. Hariri reproche au président d'entraver la formation du gouvernement en insistant sur une "minorité de blocage" au sein de la prochaine équipe et en cherchant à imposer une répartition "confessionnelle et partisane" des portefeuilles. Le président "veut un tiers de blocage", a déclaré M. Hariri dans une interview accordée à la chaîne de télévision libanaise Al-Jadeed. "Si je formais le gouvernement que Michel Aoun voulait (...) je ne pourrais pas diriger le pays" et mener des réformes, a-t-il ajouté. Ce renoncement intervient dans un contexte socioéconomique difficile où plus de la moitié de la population vit actuellement sous le seuil de pauvreté et le pays, à court de devises, fait face à de nombreuses pénuries (médicaments, carburant, électricité, etc.). Suite à cette annonce, des heurts ont eu lieu à Beyrouth entre des protestataires et des forces de sécurité qui ont tiré des balles en caoutchouc pour débloquer des routes. La Croix-Rouge a fait état de blessés, sans en donner le nombre. Les manifestants accusent aussi la classe politique de ralentir l'enquête en bloquant des auditions d'anciens ministres et du directeur de la puissante Sûreté générale. L'échec de Saad Hariri a former un gouvernement a suscité des critiques de l'ONU, des Etats-Unis et de la France, qui ont jugé "décevant" jeudi le renoncement du Premier ministre désigné au Liban, Saad Hariri, à former un gouvernement. C'est "un épisode dramatique de plus dans l'incapacité des responsables libanais à trouver une issue à la crise", a réagi à l'ONU le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, déplorant une "autodestruction cynique". Aussi, le président français, Emmanuel Macron, organisera le 4 août prochain une nouvelle conférence internationale sur le Liban, confronté à la pire crise socioéconomique de son histoire, a annoncé, hier, le ministre français des Affaires étrangères. Cette conférence, qui se tiendra avec l'appui des Nations unies, est "destinée à répondre aux besoins des Libanais dont la situation se détériore chaque jour", sur fond d'une interminable crise politique.