Le Liban est sans gouvernement depuis plusieurs mois en raison de divergences persistantes entre le Président Michel Aoun et le Premier ministre Saâd Hariri. La communauté internationale s'implique dans le débat libanais et fait pression sur les dirigeants libanais face aux multiples crises dans le pays. Après plusieurs mois de blocage et malgré l'urgence de la situation, les partis politiques libanais restent absorbés dans des marchandages interminables, se disputant la répartition des portefeuilles ministériels. Cette impasse a été confirmée lundi après la réunion entre MM. Aoun et Hariri qui n'a débouché sur aucun accord concernant la formation d'un nouveau cabinet. En effet, l'entretien avec le chef de l'Etat Michel Aoun n'a duré que vingt minutes dans une atmosphère très tendue, rapportent les observateurs de la scène politique libanaise. Saâd Hariri, le Premier ministre, lui a présenté la liste de la composante de son futur gouvernement, il attend son aval, ce qui mettra fin à trois mois de crise gouvernementale dans un pays livré à la paupérisation, au chômage, la dévaluation drastique de la monnaie nationale, la livre libanaise. À l'issue de l'entrevue avec le chef de l'Etat au palais de Baabda, le Premier ministre désigné a rendu publique la mouture de son gouvernement de 18 ministres technocrates ou « spécialistes ». Une liste, a-t-il précisé, qu'il avait présentée auparavant au président de la République, Michel Aoun, il y a cent jours. Le bras de fer entre les deux hommes a atteint des sommets après la réunion, indique-t-on. Cette liste est composée de quatre ministres maronites, chiites, quatre sunnites, trois grecs-orthodoxes, un grec catholique, un Arménien et un Druze. Le gouvernement comprend trois femmes. Les portefeuilles des ministères de souveraineté sont à la charge d'Antoine Klimos, Maronite, ministre de la Défense, Rabih Nerch, Druze, aux affaires étrangères et Agriculture. Il convient d'observer que Saâd Hariri n'a apporté aucun changement à sa liste initialement présentée. A-t-il cédé à la double pression de la rue et du chef de l'Etat d'apaiser une population insurgée contre les pratiques de corruption de ses gouvernants, leur inefficacité dans la gestion des affaires publiques ? L'initiative du Premier ministre risque-t-elle de s'apparenter à un coup d'épée dans l'eau tandis que la rue ne désarme pas ? Après sa rencontre avec M. Aoun, M. Hariri a reproché au chef de l'Etat d'entraver la formation du gouvernement en insistant sur une minorité de blocage au sein de la prochaine équipe ministérielle et en cherchant à imposer une répartition confessionnelle et partisane des portefeuilles. M. Hariri a, lors d'une conférence de presse, réitéré son attachement à un gouvernement de technocrates réclamé à l'international, chargé de lancer des réformes et de stopper l'effondrement et de débloquer une aide étrangère substantielle, gouvernement qu'il a qualifié d'«unique et dernière chance pour le pays». La communauté internationale a multiplié les appels à la formation rapide d'un nouveau gouvernement pour sauver le pays qui connaît des troubles depuis octobre 2019 sur fond de révolte populaire contre la classe dirigeante jugée incompétente et accusée de corruption. Ainsi, la coordonnatrice spéciale adjointe des Nations-Unies et responsable du Bureau du coordonnateur spécial des Nations-Unies pour le Liban (UNSCOL), Najat Rochdi, a appelé les dirigeants politiques libanais à se «concentrer de toute urgence» sur la formation d'un nouveau gouvernement pour mettre en œuvre les réformes nécessaires. Pour sa part, la Ligue arabe a appelé mardi toutes les factions politiques au Liban à «prioriser l'intérêt» du pays et à «œuvrer rapidement pour sortir de l'impasse politique qui exacerbe les souffrances du peuple libanais», a indiqué un communiqué de l'organisation panarabe. La Ligue arabe est prête à «intervenir, si on le lui demande, pour rapprocher les points de vue et réduire la fracture actuelle, afin de parvenir à une solution consensuelle permettant au Président désigné de former son gouvernement sans délai», a indiqué le sous-secrétaire général de la Ligue arabe, Hossam Zaki dans le communiqué. M. Hariri a assuré avoir soumis au Président Aoun une ébauche de gouvernement depuis 100 jours, avant de la dévoiler à la presse, le nom des ministres à l'appui. De son côté, la présidence de la République libanaise a démenti dans un communiqué toute velléité de minorité de blocage et exprimé son étonnement quant aux propos de M. Hariri. Trois fois Premier ministre, Saâd Hariri a été chargé à la fin d'octobre – un an après sa chute sous la pression de la rue – de former un nouveau gouvernement. Mais cinq mois plus tard, les partis restent absorbés par leurs habituels marchandages dans un pays multiconfessionnel. Le gouvernement actuel, chargé des affaires courantes, a démissionné en août après l'explosion dévastatrice du port de Beyrouth (plus de 200 morts, des milliers de blessés), rappelle-t-on. B. T.