La crise politique, doublée d'une crise socioéconomique aiguë, a provoqué samedi de violentes émeutes entre la police et les étudiants qui ont manifesté contre l'augmentation des frais d'inscription, dont le montant est aligné sur le taux de change du dollar. Le Liban est toujours en attente d'un nouveau gouvernement, cinq mois après la démission de l'ancien Premier ministre Hassan Diab, dans le sillage des explosions meurtrières survenues dans le port de Beyrouth le 4 août dernier. La désignation de l'ancien Premier ministre Saad Hariri pour former le nouvel exécutif, après de longues et âpres tractations, n'a pas résolu la crise de confiance entre le pouvoir politique et des Libanais qui réclament depuis octobre 2019 de vrais changements, avec en prime le départ de tous ceux qui ont dirigé le pays depuis trente ans. Pis encore, les divisions se sont accentuées ces dernières semaines, sur fond d'aggravation de la crise économique, due à la pandémie de coronavirus. La guéguerre opposant les partisans du président Michel Aoun au Courant du futur (CF) du Premier ministre désigné M. Hariri s'est exacerbée, chacun accusant l'autre de blocages. "Le retard dans la formation du gouvernement a pour cause une volonté claire d'outrepasser les prérogatives du président de la République, qui est un partenaire à part entière dans le processus", a accusé le Courant patriotique libre (CPL) de Gibran Bassil, gendre du président Michel Aoun, dans un communiqué samedi soir. Qualifiant de "politique de fuite en avant" les agissements du CPL, le CF a rejeté un "retour à la ritournelle des critères unifiés", lit-on dans la presse libanaise. Le conflit opposant les deux partis est plutôt un conflit entre le président et le Premier ministre qu'il a désigné, ce dernier ayant émis comme condition la formation d'un exécutif non partisan, formé uniquement de technocrates et de compétences nationales. Allié de circonstance avec le parti chiite dominant, le Hezbollah, Michel Aoun semble peu enclin à accepter un tel choix, alors que la rue libanaise ne cesse de réclamer la fin du système confessionnel, à l'origine de la crise, en grande partie. Selon le quotidien libanais francophone et proche de Hariri L'Orient-Le Jour, "au cœur de cette polémique se trouve aussi le refus de Saad Hariri d'accorder le tiers de blocage au CPL et au chef de l'Etat". L'inculpation de l'ancien Premier ministre démissionnaire M. Diab et de trois anciens ministres dans l'affaire des explosions du port de Beyrouth n'a fait qu'aggraver le fossé entre Aoun et Hariri, donnant lieu à un échange virulent d'accusations par communiqués interposés. Pendant ce temps, les Libanais attendent toujours une solution durable à leur crise. D'autres médias libanais affirment que les raisons du blocage viennent plutôt de l'extérieur, en référence à la pression des grandes puissances, à leur tête les Etats-Unis et la France, qui conditionnent leurs aides avec un changement radical dans la pratique politique et plus de transparence dans la gestion des affaires du pays. Sans cela, l'aide promise par les donateurs internationaux et le Fonds monétaire international ne sera pas débloquée.