Face à une hausse inédite des cas de coronavirus, la structure hospitalière peine à prendre en charge les cas qui y affluent chaque jour. Jeudi 22 juillet 2021. À la mi-journée, un jeune homme, bavette sur le visage, franchit la porte d'entrée de l'hôpital Nedjma en lançant : "Je veux mon PCR, je veux mon PCR ! Mon père est diabétique et je voudrais savoir si je suis positif à la Covid-19 pour éviter de l'approcher et de le contaminer !" Le jeune, qui explique son emportement par une attente de plusieurs heures, est pris à part par un gendarme qui l'éloigne du hall d'entrée pour tenter de le calmer. Le contestataire explique qu'il est là depuis 6h du matin, qu'il est passé par la consultation et que le médecin lui avait prescrit un test PCR : "Pourquoi nous fait-on attendre de la sorte ? Ce n'est pas juste !" Alors que le jeune homme continue de gesticuler, une altercation verbale éclate entre l'agent de sécurité chargé de filtrer les entrées et un quadragénaire en abaya. "Je suis là depuis l'aube. On nous a dit qu'il y avait 40 PCR et, tout d'un coup, il (l'agent de sécurité, ndlr) nous annonce qu'il n'y a plus de tests. Alors que nous attendons depuis des heures. Mais qui a bénéficié de ces PCR, alors ?" s'énerve l'homme, en finissant par déchirer son ticket pour s'en aller. Pendant qu'une femme d'un âge avancé, masque à oxygène sur le visage, est conduite sur un brancard à l'intérieur de l'hôpital, une autre femme, plus jeune, s'emporte contre le "pauvre" agent. "J'ai un cancer et tu me dis d'attendre ? Mais je poireaute depuis des heures, je n'en peux plus d'attendre", crie-t-elle, au bord des larmes. Face à cette colère, l'agent de sécurité répète inlassablement qu'il ne fait que suivre les instructions. "On me dit qu'il n'y a plus de PCR, je vous dis qu'il n'y a plus de PCR. Que voulez-vous que je fasse ?" dit-il, en rappelant qu'il ne peut laisser entrer personne, exception faite des cas graves de Covid-19. Depuis l'apparition du variant Delta à Oran, ce type de scène se répète tous les jours à l'hôpital Nedjma : d'une part, une population qui exige son droit à des soins, de l'autre un établissement hospitalier dépassé, incapable de faire face au désastre. "Nous n'en pouvons plus ! La situation est vraiment intenable", admet Karim Laroussi, directeur de cet hôpital exclusivement dédié à la prise en charge des cas de coronavirus. Devant l'explosion du nombre des contaminations, des malades hospitalisés et la menace grandissante sur la santé publique, l'urgence est à l'ouverture des hôpitaux de Gdyel et de Kerma pour décongestionner les établissements hospitaliers qui sont soumis à une pression insupportable. C'est ce que tous les professionnels de la santé attendent, aussi bien pour une prise en charge convenable des malades que pour de meilleures conditions de travail. Mais, pour le moment, aucune date ferme n'a été avancée par la DSP qui, après avoir annoncé la bonne nouvelle pour la semaine passée, se rétracte. "Certains travaux n'ont pas encore été achevés (il y aurait un souci de chute de tension électrique) et nous espérons que le problème se réglera rapidement", reconnaît le Dr Youcef Boukhari, chef du service prévention à la DSP d'Oran. L'hôpital Nedjma est ainsi au bord de la rupture. Face à une hausse inédite des cas de coronavirus, la structure hospitalière – qui n'a pas été conçue spécifiquement pour lutter contre la Covid-19, précise Karim Laroussi – peine à satisfaire les cas qui y affluent chaque jour. "Le nombre de lits est désormais insuffisant et nous faisons face à un sérieux problème de consommation d'oxygène. À l'heure qu'il est, nous sommes dans l'incapacité de répondre à toutes les demandes et la situation continue de s'aggraver", reconnaît volontiers le responsable, impatient de voir les deux structures d'appui de Gdyel et de Kerma et leurs 360 lits entrer en fonction. Car il y a longtemps que les 220 lits de l'hôpital de l'ex-Chtaïbo ne suffisent plus et, manque de place oblige, des malades graves sont aujourd'hui soignés dans les couloirs, sur des chaises ou dans le hall. L'hôpital est également confronté au manque d'oxygène provoqué par l'augmentation de la consommation. "Alors que la consommation d'oxygène était de 30 litres par minute, il arrive que des malades en détresse respiratoire expriment des besoins allant jusqu'à 80 l/min. Résultat, nous devons nous approvisionner quatre à cinq fois par jour", indique Karim Laroussi pour expliquer les carences en oxygène constatées ces derniers jours. Pour lui, il n'a jamais été question de "rupture", comme cela avait pu être colporté ici et là, mais de "baisse de pression" en raison de l'augmentation de la consommation. Le directeur l'assure : "Sur les 3 à 4 décès déplorés chaque jour, aucun n'a été causé par une rupture d'oxygène." Karim Laroussi, qui indique que l'hôpital procède quotidiennement à 400 consultations et entre 50 et 80 PCR (jeudi 22, le nombre de tests a atteint 90, affirme-t-il), souhaite que les Oranais prennent conscience que son établissement a atteint ses limites et que le personnel hospitalier est également au bord de l'épuisement. D'ailleurs, ajoute-t-il, une vingtaine de professionnels (10 infirmiers, 6 médecins, un médecin-chef, 3 surveillantes et des cadres administratifs) ont été contaminés par le coronavirus, ce qui, dit-il, n'a pas été sans impact sur le moral du personnel hospitalier et sur le fonctionnement de l'hôpital. "Le salut viendra de l'ouverture des hôpitaux de Kerma et de Gdyel, du strict respect du protocole sanitaire et d'un retour au confinement", préconise le responsable. Sans omettre la vaccination pour laquelle les autorités ont aménagé de nouveaux espaces : à côté de la cinquantaine de polycliniques publiques, de nouveaux points ont été ouverts, notamment à Senia-Center et au Centre des conventions d'Oran. Quatorze mosquées procèdent également à la vaccination chaque vendredi, indique encore Youcef Boukhari de la DSP, en annonçant la décision de la clinique privée Iris de prendre part à la campagne de vaccination dès aujourd'hui. Il reste que l'incapacité des pouvoirs publics à agir efficacement dans l'urgence, les lenteurs administratives et la désinvolture d'une grande partie de la population ont conduit la wilaya d'Oran à une situation d'urgence inédite. Selon les chiffres officiels, tous les jours 100 personnes sont déclarées positives à la Covid-19 et trois décès sont déplorés. Statistiques qui sont probablement en deçà de la réalité, selon des professionnels de la santé.