Par : Pr Rachid HANIFI Ancien président du Comité olympique algérien. Une nouvelle fois, nos représentants aux jeux Olympiques sont confrontés à l'épreuve d'un choix délicat entre l'exigence de non-politisation du sport affichée par le CIO et celle de nature diplomatique soumise aux conjonctures politiques. L'entame de la participation algérienne aux J.O. de Tokyo a vu le forfait de notre judoka Fethi Nourredine, programmé pour affronter un adversaire israélien. Cette attitude du sportif algérien, conforme au principe de non-reconnaissance de l'Etat d'Israël par notre pays, risque en revanche, d'entraîner des sanctions à l'encontre du concerné, si la Fédération nationale dénonce le forfait, ou à l'encontre de cette dernière, si elle affiche un silence pouvant être interprété comme une caution. Cet épineux problème de confrontation ou non d'un représentant d'Etat non reconnu est récurrent et met dans la gêne les responsables du mouvement sportif national, lesquels sont soumis à un double risque : sanction par le pouvoir national, en cas d'autorisation de participation ou par le CIO en cas de refus de participation, cette dernière mesure pouvant s'étendre à l'ensemble de la délégation participant aux jeux. À ce titre, à la veille des jeux Olympiques de Londres 2012, j'avais saisi, par écrit, l'autorité politique du secteur des sports (le ministre), avec une copie au ministre des Affaires étrangères, pour nous indiquer la position à adopter, m'engageant à la respecter, sous condition d'assumer ensemble les conséquences éventuelles, car je considérais que les athlètes retenus pour les jeux, ne représentaient pas le Comité olympique algérien ni la Fédération nationale concernée, mais l'Algérie. Je n'avais eu aucune réponse, hormis celle du Secrétaire général du MJS, qui n'avait pas les prérogatives de se prononcer sur les questions politiques, et qui rétorquait dans la presse : "Puisque le président du COA réclame l'autonomie, il n'a qu'à s'assumer." Ma réaction, en qualité de président du Comité olympique algérien fut la suivante : "Puisque les autorités politiques refusent de se prononcer, je rappelle que les responsables des Comités olympiques nationaux sont tenus de respecter la charte olympique", ce qui ne correspond pas tout à fait aux propos qui me sont imputés par le journaliste Samir Lamari, dans l'édition du quotidien Liberté, en date du 24 juillet 2021. En effet, ce dernier affirme que j'avais déclaré ouvertement que, dans le cas de duels algéro-israéliens, les athlètes algériens ne déclareront pas forfait, le débat ayant été tranché, l'auteur de l'article ayant eu tout de même l'intelligence de rappeler le contenu de la charte olympique sur ce sujet. Ma position de l'époque m'avait valu des réactions de certains dirigeants sportifs opportunistes, qui s'étaient exprimés dans la presse, me reprochant d'aller à l'encontre de la charte olympique, tout en saisissant les responsables du CIO, ce qui m'avait coûté une lettre d'explication de ces derniers, à laquelle j'avais répondu que ma position était à la fois respectueuse de la charte et des directives éventuelles de l'Etat algérien, du fait que les athlètes engagés représentaient le pays et non les instances sportives qui les dirigeaient. Antérieurement, un cas similaire s'était manifesté, rapporté par le journaliste Samir Lamari, qui avait vu le judoka Meridja bénéficier de la tolérance des pouvoirs politiques pour combattre l'adversaire israélien, sous condition de le battre. C'était une autorisation masquée et risquée, car nul ne pouvait prédire, avec certitude, le résultat de la compétition, même si le niveau de notre athlète semblait supérieur à celui de son vis-à-vis. Imaginons une finale, quelle que soit la discipline, opposant nos représentants à ceux de l'entité israélienne, devant être précédée par les hymnes nationaux des deux pays, quelle position adopter ? Doit-on boycotter l'objet final de la participation et en assumer les conséquences sur l'avenir international de notre sport ? Peut-on se soumettre à la compétition et refuser d'assister au chant des hymnes et à la remise des médailles ? Nos dirigeants politiques doivent se pencher sérieusement sur cette question et prendre une décision qui ne puisse pas mettre dans la gêne les responsables des instances sportives nationales. J'ai assisté personnellement à une réunion du Comité international des jeux méditerranéens (CIJM), au cours de laquelle le CIO avait soumis à l'approbation des membres présents, les candidatures concomitantes des Comités olympiques d'Israël et de Palestine, avec l'accord de leurs dirigeants respectifs, pour être membres de l'Assemblée générale du CIJM. L'association "Paix et Sport" dirigée par l'ancien olympien français Joël Bouzou et parrainée par le prince Albert de Monaco, a organisé des rencontres sportives auxquelles ont participé des jeunes Palestiniens aux côtés de jeunes Israéliens, dans un esprit de fair-play et de tolérance. Faut-il alors être plus royaliste que le roi ? L'Algérie est appelée à participer à d'autres manifestations sportives internationales, auxquelles prendront part les représentants de l'Etat non reconnu. Elle ne peut pas éternellement jouer à l'autruche et laisser dominer l'initiative individuelle. Le sport doit effectivement être à l'abri des pressions politiques. C'est à ce titre, que je ne cesse de proposer, depuis 2002, suite au match "amical" France-Algérie, la suppression des hymnes nationaux, lors des compétitions sportives et leur remplacement par un hymne sportif, les premiers étant de composition souvent révolutionnaire, aux propos accusateurs. L'adaptation, lors des J.O. en cours, du serment olympique, mettant en valeur les qualités de tolérance, de paix et de non-discrimination, est un présage encourageant. Les responsables du sport mondial devraient réfléchir à faire de ce serment, le nouvel hymne sportif. Je ne peux terminer, sans rappeler que l'olympisme est une philosophie éducative basée sur des valeurs éthique et morale. Tout participant est tenu de respecter ces valeurs. Les délégations prenant part aux jeux Olympiques ne sont pas jugées uniquement sur le nombre de médailles remportées, mais également sur le comportement de leurs membres. L'attitude de notre judoka Fethi Nourredine qui aurait dit : "J'ai refusé d'affronter l'adversaire israélien, pour ne pas me salir les mains" est condamnable, car toute adversité, de quelque nature que ce soit, doit se manifester dans le respect, valeur de l'éducation reçue.