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Mardi Noir à Aokas
Béjaïa
Publié dans Liberté le 14 - 08 - 2021

"On a juste pu sauver par miracle le chien et la chèvre qu'on a enfermés à l'intérieur de la maison".
"Il était midi lorsque ma mère, prise de panique, m'appelle, alors que j'étais loin, pour m'annoncer que les flammes s'avançaient dangereusement vers la lisière de la maison. Sans attendre, j'ai rejoint la maison dans la précipitation pour la quitter aussitôt en sauvant la famille et quelques bêtes." Près de sa maison nichée près du mont Yemma Tadrarat, du nom d'une sainte, en haut du village Tabbelout, sur les hauteurs de la ville d'Aokas, à 25 km à l'est de Béjaïa, Younès, la trentaine à peine consommée, ne semble pas près d'oublier de sitôt ce mardi fatidique.
Un jour dont il se souviendra sans doute toujours. Comme partout ailleurs, particulièrement en Kabylie, un gigantesque incendie s'est déclaré ce jour-là sur un flanc de cette montagne boisée appelé Thimâarasst, surplombant la mer et le village de Thala Khaled. Aidées par le vent, les flammes ont tout consumé sur leur passage : le chêne-liège, la broussaille, les arbres fruitiers, le figuier de Barbarie et y compris les quelques oliviers qui entourent la maison de Younès. "On a juste pu sauver par miracle le chien et la chèvre qu'on a enfermés à l'intérieur de la maison", relate Younès, qui n'a pas encore souvenir, dit-il, d'une telle violence de la nature.
Ce jeudi encore, la lisière de sa maison et l'espace périphérique fleuraient la cendre où pas même un oiseau peut se poser. L'air y est presque irrespirable sur ces hauteurs, d'ordinaire lieu de retraite des personnes en quête de l'air frais arrivant même depuis la mer. Même les antennes des opérateurs de téléphonie, implantées non loin de sa maison, n'ont pas été épargnées par les flammes puisque des employés s'y affairaient à les réparer.
À la désolation s'ajoute ce vague sentiment d'impuissance qu'éprouvent souvent les montagnards face aux caprices de la nature et dont les maisons sont plantées parfois dans des endroits improbables et difficiles d'accès, comme celle de Younès, qu'il faut gagner par des chemins sinueux, étroits et qui montent toujours, selon la formule de Feraoun. Une situation qui n'est pas de nature à faciliter le travail des pompiers. "On les a appelés (les pompiers, ndlr), mais ils ont été retenus plus bas par des habitants dont les maisons étaient aussi menacées par les flammes", dit Younès. Mais grâce à sa promptitude et peut-être un peu au coup du sort, il a pu sauver sa famille et la mettre hors de danger.
Les feux de... la mort
Si nul ne sait encore l'origine du sinistre, il reste que les feux se sont déclarés simultanément dans plusieurs endroits et hameaux qui surplombent la ville d'Aokas. C'est le cas à Aït Aïssa, à Mesbah, à Akkar, à Alliouène et à Tizi, où les stigmates du feu sont encore visibles dans les champs dévastés et quelques arbres encore fumants. Universitaire et figure en vue de la société civile d'Aokas, Lounis Chaâbane, qui s'est déjà distingué par son action dans la collecte de fonds pour la lutte contre la Covid, n'est pas près d'oublier ce moment d'apocalypse qui a commencé à quelques centaines de mètres en contrebas de sa maison, située à Waggaz, à flanc de la majestueuse montagne El-Djamaâ n'Siyah. "Le feu a démarré de là-bas, en face.
Il a gagné en vigueur aux alentours de 6h du matin", raconte-t-il, en montrant du doigt le versant d'Alliouène qui fait face à leur hameau. Ici aussi, tout a été consumé jusqu'aux abords des maisons. En l'espace de quelques heures, les vertes prairies alentour sont devenues des espaces sans âme, réduites en cendres où ni vaches ni chèvres ne peuvent trouver quelques herbes à brouter. Un véritable désastre. Comme souvent en pareilles circonstances, on a tenté de sauver comme on peut, avec souvent des moyens dérisoires, ce qui peut être sauvé. "Vers midi, on s'est mobilisés, munis de pelles et de bêches, pour débroussailler les lisières des maisons et empêcher la progression des flammes", dit-il. Une action salvatrice qui a pu sauver les habitants et les maisons.
Une action similaire a été aussi engagée, après un appel lancé à la population, en haut du village pour empêcher les flammes de descendre des hauteurs d'El-Djemaâ n'Siyah où elles ont tout ravagé. Mais l'entreprise avec les moyens du bord face à ce qui était perçu comme un tsunami de feu ne se fait pas toujours sans risques. À Ansa, un petit hameau situé juste à la périphérie d'Aokas, en contrebas de Waggaz, un jeune, Taïri Djelloul, la quarantaine, a trouvé la mort peu après avoir combattu les feux qui encerclaient les maisons de son quartier.
"Après quelques vicissitudes, il tentait de reconstruire sa vie. Mais le sort en a décidé autrement", déplore un de ses voisins, commerçant de son état. Selon lui, le jeune homme, croyant le danger écarté, a été surpris par la chute d'une grande branche brûlante sur son chemin alors qu'il regagnait, en compagnie de sa femme et de sa mère, sa maison. Transféré à l'EPH d'Aokas, il succombe à ses blessures quelques heures plus tard. Une mort qui a jeté l'émoi dans son village qui ne s'explique pas ce subit sort qui s'est abattu sur eux. Et si l'essentiel des feux qui se sont déclarés dans la région sont aujourd'hui éteints, hormis celui d'Aït Bouaïssi, encore fumant, sur les hauteurs de Tizi Berber, loin des habitations, et celui de Boukhlifa, sur les hauteurs de Tichy, plus à l'ouest, il reste que les dégâts sont incommensurables. Plus de 500 ha de couvert végétal et des centaines d'arbres fruitiers ont été consumés par les feux en l'espace de deux jours sur le territoire de la wilaya de Béjaïa, selon la cellule de communication.
Et sans la mobilisation des jeunes volontaires, appuyés par endroits par les pompiers, les dégâts auraient été sans doute plus importants. Un tantinet philosophe, un paysan de Tabellout, abrité sous un olivier, chapeau vissé sur la tête, balaie du regard l'immense désastre tout autour d'Aokas, montagnes et hameaux : "Si chacun débroussaillait autour de sa maison, les flammes ne se seraient pas invitées chez nous. On n'aurait pas connu cet enfer. Regarde tous ces oliviers partis en fumée. Combien de temps faudrait-il pour replanter et refleurir nos jardins ?" constate-t-il, l'air dépité.
Faut-il seulement s'en émouvoir ? Passés les heures d'enfer, l'heure est désormais tournée à la réflexion sur la replantation des arbres. "Nous devons nous y mettre", soutient Lounis qui, comme Younès, espère que les leçons soient tirées de cette catastrophe écologique pour ne pas avoir encore à revivre d'autres jours de cauchemar, comme cet homme à Alliouène, qui a dû quitter en urgence son travail à Aïn Defla pour venir prêter main-forte à ses concitoyens qui luttaient contre la menace des flammes arrivées au pied du village.

Karim Kebir


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