Si le discours du souverain plaide pour une normalisation naturelle des relations entre frères, l'attitude de ses services et de ses diplomates tendent plutôt pour une hostilité ouverte. Mohammed VI ne saurait ignorer ces manœuvres, rapportait Le Monde. Rien ne va plus entre Alger et Rabat. Les relations algéro-marocaines se sont sérieusement dégradées ces derniers temps. Au point que l'Algérie a été contrainte de rappeler son ambassadeur à Rabat pour "consultation". L'intention du président Tebboune de "calmer" le jeu ne semble pas avoir trouvé écho du côté officiel marocain où l'on a poursuivi la mise en œuvre de la campagne anti-Algérie, malgré un discours conciliant du roi. Comme il fallait s'en douter, la réaction ne s'est pas fait attendre. Alger a haussé le ton. Un communiqué du Haut Conseil de sécurité, présidé ce mercredi par Abdelmadjid Tebboune, a clairement annoncé la volonté des autorités algériennes de "revoir" ses relations avec le Maroc en réponse aux "actes hostiles incessants" commis par le royaume chérifien. Le communiqué de la présidence de la République, faisant état de la décision du Haut Conseil de sécurité, n'est pas entré dans le détail de ces actions. "Les actes hostiles incessants perpétrés par le Maroc contre l'Algérie ont nécessité la révision des relations entre les deux pays et l'intensification des contrôles sécuritaires aux frontières Ouest", a indiqué le communiqué de la présidence de la République. Même si ce communiqué ne s'étale pas dans le détail sur la nature de ces actes hostiles, on aura compris qu'il est fait référence, sans le mentionner, au document des Affaires étrangères algériennes qui fustige cette attitude "guerrière" du voisin de l'Ouest qui, selon le document des AE, voudrait inciter Israël à "une aventure hasardeuse" contre l'Algérie. Des détails que ne donne pas le document de la Présidence, où les autorités ont révélé un seul indice de ces "actes hostiles" des autorités marocaines. Elles accusent carrément le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK) de recevoir des soutiens du "Maroc et de l'entité sioniste". Une accusation qui va en droite ligne de la liste des reproches que l'Algérie fait au Maroc depuis de longues années. Si les relations algéro-marocaines ont toujours évolué en dents de scie, elles se sont en revanche rapidement dégradées ces derniers mois. Aux problèmes qui ont été le grain de sable dans la machine diplomatique déjà peu huilée entre les deux pays - comme le trafic de drogue, la fermeture des frontières et la question du Sahara occidental -, le rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël n'a pas été perçu d'un bon œil à Alger. Ces dernières, d'habitude enclines à plus de retenue, expriment désormais de plus en plus publiquement leur courroux. Elles multiplient les mises en garde publiques. Une situation qui a atteint son paroxysme après une lettre adressée par l'ambassadeur du Maroc aux Nations unies portant sur "le droit du peuple kabyle à l'indépendance". Plus qu'un acte hostile envers un pays voisin, il s'agit d'une ingérence dans les affaires internes d'un pays. Un sacro-saint principe dans la diplomatie algérienne qui ne saurait, naturellement, passer sous silence. Cette sortie du diplomate marocain a, d'ailleurs, sorti l'Algérie de ses gonds. Le ministère des Affaires étrangères a exigé, à travers un communiqué, des autorités marocaines des explications. "Face à cette situation née d'un acte diplomatique douteux émis par un ambassadeur, l'Algérie, République souveraine et indivisible, a le droit d'attendre une explication de la position officielle" du Maroc, avait notamment indiqué le communiqué du ministère des Affaires étrangères. En l'absence d'une réponse, Alger a rappelé son ambassadeur à Rabat "pour consultation". Ce dernier n'a pas encore repris son poste. Signe qu'il ne s'agit plus, comme d'habitude, d'une simple brouille entre les deux pays, mais d'une sérieuse affaire "diplomatique". Et qui intervient opportunément à un moment où le monde découvre le comportement "belliqueux" du Maroc, y compris avec ses soutiens. Pour ajouter à cette situation conflictuelle latente, ces embrouilles interviennent au moment où des révélations font état de l'utilisation par les services de renseignement marocains du logiciel israélien Pegasus pour espionner des responsables algériens, civils et militaires. Une goutte d'eau qui a fait déborder le vase trop plein des relations algéro-marocaines déjà instables. Devant la fermeté des réponses algériennes, le roi du Maroc Mohammed VI a tenté de jouer l'apaisement. Lors du discours qu'il a prononcé à l'occasion de la fête du Trône, Mohammed VI a notamment affirmé que son pays ne pouvait "porter atteinte à l'Algérie" et que notre pays était "un frère" pour le Maroc. Il a longuement plaidé l'ouverture des frontières terrestres, mais il a évité d'évoquer les sujets qui constituent la pomme de discorde entre les deux pays. Ni au sujet de la lettre de son ambassadeur aux Nations unies et encore moins sur l'affaire de l'espionnage. Du côté algérien, la seule réponse à la sollicitation marocaine est venue du chef de l'Etat. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, n'avait vraiment pas répondu au souverain marocain. Il a juste rappelé, lors d'une interview avec des journalistes algériens, attendre des explications à l'initiative du diplomate marocain à l'ONU. C'était la veille des incendies qui ont ravagé la Kabylie et une bonne partie des massifs forestiers de l'Est. Depuis, les autorités algériennes ont multiplié les accusations contre le voisin de l'Ouest qui ne réagit pas. Pis encore, quelques jours seulement après cette adresse royale, Rabat reçoit la visite du chef de la diplomatie israélienne qui s'est même permis d'exprimer son agacement vis-à-vis de l'Algérie. La déclaration du ministre israélien a été faite en présence de Nacer Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères. Si les autorités algériennes n'ont pas encore annoncé de démarche concrète, la décision de revoir les relations avec le Maroc aura certainement des prolongements sur le terrain. Au ministère des Affaires étrangères, plusieurs options sont sur la table. Il s'agit notamment du rétablissement des visas pour les ressortissants marocains, de l'abaissement du niveau de la représentation algérienne à Rabat et d'une surveillance plus accrue des frontières. Des décisions qui vont intervenir, selon toute vraisemblance, au courant de la semaine.