Liberté : L'économie algérienne a renoué avec la croissance au premier trimestre 2021 avec un bond du produit intérieur brut (PIB) de 2,3% sur un an, selon l'Office national des statistiques. Comment analysez-vous ces résultats ? Brahim Guendouzi : Après avoir connu une contraction du PIB en 2020 de l'ordre de 6%, l'économie algérienne a renoué avec la croissance économique dès le premier trimestre 2021 en affichant un taux de 2,3% sur un an selon l'ONS, coïncidant avec le recul de la pandémie et la reprise de l'activité d'un grand nombre d'entreprises impactées par la crise sanitaire. La tendance haussière des cours du pétrole a incontestablement favorisé ce retour à la croissance, ainsi que les mesures d'ordre monétaire prises par la Banque d'Algérie et ayant contribué à atténuer les effets négatifs de la pandémie sur la trésorerie des entreprises. Cependant, hors hydrocarbures, la croissance a été modeste, soit 1,4%. La relance de l'activité économique au début de 2021 a surtout profité globalement au secteur industriel puisqu'il a enregistré 3,3%, et ce, du fait que certaines grandes entreprises ont retrouvé de la vigueur face à la demande émanant aussi bien des ménages que du tissu économique. Au demeurant, il y a lieu de relativiser ces résultats du fait du rebond des contaminations avec la troisième vague, et dont l'issue reste incertaine, durant le trimestre en cours, d'une part, et la faiblesse constatée des investissements, d'autre part. La consolidation de la croissance économique pour le second semestre est donc tributaire de l'issue de la crise sanitaire, de la conjoncture pétrolière si la tendance haussière persiste, et enfin de l'action gouvernementale, particulièrement en direction des entreprises créatrices de richesses. Le Premier ministre, ministre des Finances, Aïmène Benabderrahmane, a insisté lors de d'une réunion de l'Exécutif sur "la nécessité de parvenir au rétablissement des équilibres financiers interne et externe de l'Etat". Quelle est la marge de manœuvre du gouvernement ? Depuis le retournement du marché pétrolier en 2014, la situation des finances publiques ainsi que celle de la balance des paiements ont été les principales préoccupations de tous les gouvernements qui se sont succédé, y compris l'actuel. En effet, la volonté de maintenir les équilibres macroéconomiques passe par la maîtrise du déficit budgétaire ainsi que celui du compte extérieur courant. En premier lieu, le défi est celui de couvrir les dépenses de fonctionnement par la fiscalité ordinaire. Or, compte tenu de la structure des dépenses publiques, surtout par rapport à certains engagements de l'Etat sur le plan social et des impératifs de prise en charge d'infrastructures socioéconomiques, il sera difficile de comprimer le niveau de la dépense, en l'état actuel. La refonte du système fiscal, tant du point de vue de l'élargissement de l'assiette que de l'efficacité du recouvrement de l'impôt, prendra aussi plus de temps. D'autant plus que l'Algérie n'est pas prête à changer de paradigme économique lui permettant de bouleverser la vision économique actuelle. En second lieu, la réduction du déficit commercial passe par une meilleure maîtrise des importations de biens et services. Plusieurs mesures réglementaires sont actuellement imposées aux importateurs en vue de diminuer, un tant soit peu, les achats de l'extérieur, surtout ceux destinés pour la revente en l'état. Mais comme le tissu économique national est extraverti et non diversifié, il sera difficile d'imprimer une plus grande rationalisation des importations, sinon, ce sera au détriment de l'appareil productif. L'action du gouvernement sur le plan économique manque de lisibilité. Comment expliquez-vous cette situation ? Les chantiers économiques à lancer correspondant à la conjoncture économique actuelle sont connus et figurent dans le plan de relance économique élaboré par l'ancien gouvernement. L'inconnue reste la méthodologie à utiliser, les priorités retenues et le rythme des réformes à entreprendre car cela déterminera l'efficacité de l'action gouvernementale. D'ores et déjà, quelques mesures sont annoncées par des déclarations officielles, et qui constitueront probablement des éléments-clés du programme d'action du gouvernement. Il y a tout d'abord le point cité plus haut consistant à vouloir réduire impérativement les déficits interne (budgétaire) et externe (balance des paiements). Ensuite, il est question de procéder à l'ouverture du capital de quelques entreprises et banques publiques. La dépénalisation de l'acte de gestion est aussi au centre des préoccupations, notamment dans le souci d'améliorer la gouvernance des capitaux marchands de l'Etat. La relance de l'investissement productif avec la promulgation d'un nouveau texte juridique qui précisera les activités à soutenir. Le développement des exportations hors hydrocarbures comme nouvelle priorité. Enfin, il est question également d'aller vers le ciblage des subventions au profit des couches sociales les plus démunies. La contrainte du financement attend aussi des clarifications tant par rapport au nouveau dispositif proposé par la Banque d'Algérie de l'ordre de 2 100 milliards de dinars que les autres sources de financement à mobiliser, en vue de garantir au programme économique des chances de succès, surtout pour arriver à une croissance économique vigoureuse avec plus d'emplois.