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"La conservation de la biodiversité n'a pas la place qu'elle mérite"
Menad Beddek, expert en biodiversité et chercheur en biologie de la conservation
Publié dans Liberté le 31 - 08 - 2021

À plus long terme, nous aurons besoin de toutes les énergies pour mieux aménager notre territoire et aussi pour la surveillance des forêts lorsque les conditions météorologiques seront favorables aux incendies", préconise le chercheur Menad Beddek.
Liberté : L'Algérie a connu cet été des incendies de forêt particulièrement violents, en Kabylie notamment. Comment analysez-vous ce phénomène ?
Menad Beddek : Nous devons être prudents et utiliser les bons termes. L'incendie de 2021 est celui qui a fait le plus de victimes et de dégâts matériels en Algérie, mais je ne sais pas s'il est "particulièrement" violent. Il est vrai que la surface brûlée de 89 000 hectares est très importante, elle dépasse la moyenne nationale de ces 20 dernières années, cependant, elle n'est pas non plus exceptionnelle. En effet, l'Algérie a connu des incendies qui ont brûlé des surfaces plus vastes comme en 1983 (221 367 ha), en 1994 (271 958 ha) et en 2012 (99 061 ha).
Le bilan humain est, quant à lui, très lourd et touche essentiellement la wilaya de Tizi Ouzou. En attendant des données plus détaillées, on peut conclure que le bilan est uniquement lié à la surface brûlée. L'habitat rural dans cette région est très particulier. Les contreforts du Djurdjura ont la particularité d'avoir une forte densité urbaine et un couvert végétal très dense. En outre, le changement d'usage des terres est un facteur aggravant. L'abandon de l'agriculture vivrière en bordure des villages et l'étalement de ceux-ci font qu'aujourd'hui, les habitations sont en contact direct avec les maquis qui sont un véritable carburant durant la période estivale. Les écosystèmes méditerranéens sont intimement liés au feu, des incendies qui ont brûlé de bien plus grandes surfaces ont eu lieu plus d'une fois (350 000 ha en 2017 au Portugal), mais les pertes humaines et économiques sont expliquées par plusieurs facteurs confondants.
Quelles seront les conséquences immédiates sur les écosystèmes en Kabylie et sur la faune en particulier ?
La réponse des milieux naturels aux incendies est complexe et variable. L'impact d'un incendie sur un écosystème dépendra de sa sévérité, mais surtout de la répétition des feux. Un incendie qui brûle une forêt méditerranéenne vieillissante va l'aider à rajeunir et permettra l'installation d'une biodiversité plus riche. En revanche, un milieu boisé qui a connu des incendies sévères et/ou répétés aura plus de mal à se régénérer. En effet, lorsque les incendies sont sévères ou fréquents, ils engendrent la perte du stock de diaspores présents dans le sol, voire même la disparition du sol ! Dans certains cas, l'action du feu suivie de l'érosion font revenir l'écosystème au stade de biotope nu. Dans ces cas extrêmes, il faudra plusieurs siècles pour que l'écosystème évolue vers une forêt. L'érosion et les éboulements constituent probablement le risque naturel auquel nous ferons face à très court terme.
Concernant l'évaluation de l'impact des incendies sur la biodiversité, pour le moment, on se contente de prédictions spéculatives basées sur les connaissances théoriques et empiriques. Il paraît évident que les effectifs de la faune forestière vont baisser à la suite de la disparition des milieux. Est-ce dramatique ? Il n'y a pas de réponse claire à cette question. Les peuplements forestiers ont laissé place à des espèces inféodées aux milieux ouverts, et cette dynamique va s'inverser avec la fermeture progressive des milieux. Tout cela est théorique. En pratique, nous aurons beaucoup de mal à évaluer l'impact pour une raison simple : nos connaissances sur la flore et la faune algériennes sont très parcellaires. Nous n'avons pas de données sur les effectifs et les distributions précises des espèces avant ces incendies pour savoir ce qui a été perdu. C'est une occasion pour que nous comprenions la nécessité de la connaissance de nos écosystèmes. Cet épisode va-t-il déclencher une prise de conscience ? Je l'espère.
Comment la nature se régénère-t-elle et à quel rythme ?
Eh bien comme je l'ai dit précédemment, cela dépend des milieux, de la sévérité et de la fréquence des incendies. Plusieurs recherches sont menées dans les pays méditerranéens. En Algérie, nous avons quelques recherches sur la dynamique post-incendie de la végétation et d'essences forestières comme le pin d'Alep. Concernant la faune, à ma connaissance, aucune étude n'a été publiée. C'est l'occasion de lancer des recherches dans cette voie.
Des associations sont déjà à pied d'œuvre pour reboiser les forêts et les maquis dévastés. Faut-il encourager ces initiatives ou, au contraire, laisser la nature faire son travail comme le préconisent certains ?
Je ne crois pas que laisser faire la nature est une solution à préconiser pour toutes les zones brûlées. Peut-être qu'il faut laisser faire la résilience naturelle par endroits et appliquer des mesures dans d'autres. C'est une image très positive qu'envoient ces associations et tous les jeunes qui se portent volontaires. Il faudrait encadrer leurs efforts pour obtenir des actions bénéfiques et éviter des erreurs qui peuvent aggraver la situation. J'ai vu passer des appels pour vite replanter avec des essences étrangères. Il faut informer ces bonnes volontés que les plantes invasives peuvent causer autant, voire plus de tort que les incendies sur les milieux naturels. Ce n'est pas le moment de faire des paris risqués. Ces jeunes peuvent être d'une grande utilité dans la lutte contre les incendies car nous ne sommes pas à l'abri d'un second épisode si les conditions météorologiques ne changent pas. Ces volontaires peuvent essayer de rattraper le retard en débroussaillant le bas-côté des routes et les abords de village dans les zones qui n'ont pas encore brûlé. À plus long terme, nous aurons besoin de toutes les énergies pour mieux aménager notre territoire et aussi pour la surveillance des forêts lorsque les conditions météorologiques seront favorables aux incendies. En outre, nous devons envisager la création de groupes de forestiers et de pompiers volontaires pendant la saison sèche. On pourrait attribuer aux volontaires différentes tâches préventives comme le débroussaillage, le travail de sensibilisation, la surveillance des départs de feu, etc.
Ces incendies de forêt devront-ils nous interpeller sur notre modèle écologique ?
Evidemment, la conservation de la biodiversité en Algérie n'a pas la place qu'elle mérite. J'attire l'attention des universitaires et des pouvoirs publics sur l'impérieux besoin de produire les connaissances de base sur la flore et la faune de l'Algérie. Nous avons un retard considérable, il est temps de former des naturalistes et de les charger d'effectuer l'inventaire le plus complet de la biodiversité. Il faudrait faire le point sur ce que nous connaissons et ce que nous devons connaître en priorité.
Malheureusement, dans les universités, cette démarche est absente, la recherche en écologie ne semble pas se préoccuper de cette nécessité. Nous sommes à l'ère des données, et je peux vous dire que l'Algérie est très en retard en la matière. Nous devons aller vers un fonctionnement moderne de la recherche. Les institutions scientifiques comme l'Institut national de recherche forestière (INRF), les universités et l'Ecole nationale supérieure d'agronomie doivent impérativement collaborer entre elles, et avec la Direction générale des forêts ainsi qu'avec l'Agence nationale pour la conservation de la nature pour dépasser l'obstacle de l'ignorance. Il faut aussi trouver des moyens efficaces pour impliquer les naturalistes amateurs qui fournissent des informations précieuses.
La formation des écologues doit être profondément réformée. Nous devons mettre à jour les problématiques de recherche et surtout passer à la formation par la recherche à l'université et soutenir financièrement les écoles comme l'ENF. Il est temps aussi de revoir l'efficacité de la juridiction environnementale et l'organisation des institutions.
Quel est notre rapport aujourd'hui à la nature et comment devrait-il être à la lumière de ces incendies ravageurs ?
Cette question est très pertinente. Dans le contexte des grands incendies et surtout des pertes humaines et des dégâts matériels, le rôle de l'abandon des terres est bien établi. Ce phénomène est flagrant en Kabylie. Le déplacement des populations vers les centres urbains, le morcellement des parcelles agricoles qui les a rendues peu rentables, l'accroissement linéaire le long des routes des zones bâties en milieu rural, etc. constituent des facteurs d'aggravation des incendies. L'agriculture vivrière et l'arboriculture près des villages est un véritable pare-feu. Aujourd'hui, très peu de gens continuent à avoir un lien direct avec ces terres, ce qui conduit à la fermeture des milieux. La transformation de ces parcelles en des maquis en contact direct avec les habitations augmente le risque de propagation des feux depuis les habitations vers les milieux naturels, et vice versa. Il y a aussi une dimension morale du rapport à la terre ; lorsque ces terres étaient nécessaires à la vie des paysans, ces derniers tenaient à elles et les protégeaient de toutes leurs forces. Aujourd'hui, ces terres ont, au mieux, une valeur symbolique et on voit le résultat.
Que devons-nous changer dans la lutte contre les incendies ?
Avec les changements globaux, c'est-à-dire le changement climatique et le changement de l'usage des terres, les feux seront de plus en plus fréquents. Toutefois, les grands incendies et surtout les bilans macabres ne sont pas une fatalité. Il faut mettre en place une stratégie englobant des mesures à différentes temporalités. Nous devons nous ouvrir aux nouvelles technologies de la surveillance avec la télédétection et l'intelligence artificielle pour cartographier en temps réel les risques d'incendie.
Cette lutte doit également impliquer des équipes pluridisciplinaires ; les forestiers, les ingénieurs en génie rural et les écologues doivent collaborer avec les spécialistes de l'économie rurale, des urbanistes et même des spécialistes des sciences humaines et sociales pour avoir une vision élargie sur ce phénomène. La collaboration avec les autres pays méditerranéens est à encourager également. Enfin, j'invite les experts à s'exprimer car il y a trop de mythes qui circulent. Les Algériens doivent avoir des explications rationnelles. L'irrationalité et la paranoïa sont génératrices de passivité.


Entretien réalisé par : Karim Benamar


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