Il s'appelle Mohamed Rouane, il est autodidacte et fait de la musique comme un professionnel. Mieux que certains même. Mohamed Rouane et son groupe Casbah Jazz étaient, dimanche soir, à la salle Ibn-Zeydoun, où ils se sont déjà produits au début de ramadan pour convaincre ceux qui doutent de l'existence d'un jazz algérien. D'harmonieuses improvisations à découvrir, absolument. Mohamed Rouane séduit là où il passe. D'abord par son caractère discret et calme. Et puis et surtout par sa musique. Une bonne dose de notes traditionnelles savamment travaillées et conjuguées à des airs de différentes influences. Son groupe Casbah Jazz traduit à merveille le travail effectué par la formation sous la houlette de ce virtuose qui, à chaque concert, sème le rêve sur son passage. Les soirées ramadanesques à l'Oref ont un goût particulier avec les nombreux espaces de spectacles où chaque public trouve son compte. Elles sont plus particulières à l'Agora où les petites bourses trouvent une occasion de se divertir en marge de la foire de la production nationale organisée en prévision des fêtes de l'Aïd el Fitr. Il faut dire que le programme raï, proposé ce dimanche, a canalisé le choix des familiers de ce lieu, centre des arts autrefois. Mais quand on est connaisseur, le choix est vite fait. Et puis la salle Ibn-Zeydoun entretient une bonne réputation en la matière. Car malgré la “concurrence” déloyale (gratuité + raï), la salle était comble. Un public qui saura se montrer patient malgré le retard. Le spectacle en valait largement la peine. Il est presque 22h lorsque Rouane et sa bande investissent la scène. Le Rêve, titre de son premier album, peut commencer. Chacun s'empare de son instrument : Liamine au ney, Khiredine à la derbouka, Djihad au qanoun et Hakim à la percussion. Sur la gauche de la scène trône un majestueux piano à queue. Un nouvel élément venu se greffer aux autres instruments afin d'apporter cette touche authentique du jazz. Rouane, quant à lui, empoignera son mandole blanc. Les premières notes : un beau rêve. Un istikhbar chaâbi, que l'artiste a "relooké". La quintessence du chaâbi est bien présente mais les variations et l'improvisation sont toutes nouvelles. Douces et agréables. Rouane a su donner un nouveau souffle à cette musique classique. Le mandole est divin. Un pur moment de spiritualité. Le mandole de Rouane sera le fil conducteur d'une longue balade à travers l'Algérie des musiques. La formation revisite son répertoire. Tous les morceaux de son premier produit sont revisités au bonheur d'une assistance enchantée. Entre la musique algéroise et les sonorités targuies, (tinhinane, oriental jazz, hekma), Casbah Jazz gratifie le public d'une belle balade à travers les sonorités traditionnelles. Une fusion aux senteurs occidentales. Casbah est une allégorie de la cité arabo-andalouse. On y retrouve, même si c'est joué au mandole, toute la force de la guitare sèche. Un morceau à la lisière du flamenco. Une balade dans l'Alhambra. Le groupe se retire pour laisser place à Joe Touri, un autre virtuose de ghoumbri qui explorera de sa voix forte les fins fonds du Tindi. Un moment d'évasion. Evasion, l'Âme, Kortoba et d'autres morceaux de rêve, sortis il y a une année mais aussi du prochain album du groupe, que les mélomanes espèrent retrouver bientôt dans les bacs. W. L.