Voyant leur domination dans divers domaines menacée par la Chine, les Etats-Unis s'inquiètent sérieusement de la montée en puissance dans le domaine militaire de ce pays. Donald Rumsfeld, le secrétaire d'Etat américain à la défense, n'a guère été satisfait des assurances données par les dirigeants chinois au cours de sa visite dans la capitale chinoise, la semaine écoulée. Reçu au quartier général des forces stratégiques à Pékin, le ministre US n'a pas été admis dans le “Saint des saints” , le centre de commandement national militaire, l'équivalent du Pentagone américain. Cela n'a pas été sans déplaire aux Américains, qui ne cachent plus leurs inquiétudes devant la course rapide aux armements de la Chine. Le secrétaire américain à la Défense estime que le budget militaire chinois est deux à trois fois plus important que Pékin ne veut bien le dire, une évaluation que son homologue chinois Cao Guanchuan, nie. Les responsables militaires chinois se sont arrangés pour ne pas fournir de réponse spécifique aux inquiétudes manifestées par M. Rumsfeld, tant sur son budget militaire que sur le déploiement de missiles à court et moyen rayons d'action capables d'atteindre des bases aériennes américaines. Des observateurs de la scène chinoise n'hésitent pas à affirmer que Pékin possède maintenant le troisième budget de défense au monde derrière les Etats-Unis et la Russie et elle y consacrerait 70 à 90 milliards de dollars par an. Selon Peter Brookes, un ancien secrétaire adjoint à la Défense US : “Je pense qu'il était bien que les Chinois écoutent directement le secrétaire à la Défense, dont le point de vue ne représentait pas simplement celui des Etats-Unis.” Randall Schriver, un ancien responsable du département d'Etat chargé du secteur Asie jusqu'au début de l'année, pense quant à lui que : “l'essentiel de nos préoccupations sur la course aux armements chinoise et son manque de transparence restent toujours d'actualité.” Richard Fisher, un expert de l'Institut d'études internationales (Assessment and Strategy Centre), ne cache pas lui aussi son inquiétude en déclarant : “De leur point de vue, les Chinois ont fait un petit pas en avant mais, en réalité, il n'y a aucune indication qu'ils soient prêts à s'embarquer dans la transparence militaire, au sens où l'entendent Américains et Européens.” Il sera plus explicite en précisant que “non seulement les missiles nucléaires chinois visent maintenant le territoire américain, mais toute la configuration des nouvelles forces chinoises a été conçue en désignant les Etats-Unis comme ennemi potentiel”. Côté chinois, l'on cherche à calmer les esprits à travers des déclarations indiquant que les dépenses militaires de Pékin sont très faibles comparées à celle de Washington qui atteignent 440 milliards de dollars par an, et que son objectif principal est d'améliorer le niveau de vie de ses concitoyens les plus pauvres. Dan Blumenthal, un autre ex-responsable des affaires asiatiques au Pentagone, refuse de se laisser duper et affirme qu'“en réalité, ce que nous constatons c'est que Pékin veut freiner l'expansion des Etats-Unis dans la région”. Il ajoutera qu'“il y a donc une dichotomie entre ce que disent les Chinois et ce qu'ils font”. Les Etats-Unis redoutent surtout que la Chine n'utilise ses progrès dans le domaine spatial pour satisfaire ses ambitions militaires, et que ce pays ne teste sa nouvelle puissance que contre Taiwan, toujours considérée comme une province rebelle de la Chine, afin de la contraindre à la réunification. K. ABDELKAMEL