Réveil brutal pour le Parti de la justice et du développement, le PJD, ce jeudi, en se rendant compte de sa surprenante chute "électorale", en passant de 125 sièges à... 12 sièges à la Chambre des représentants, dans un scrutin qui a connu une forte participation. Le parti islamiste est devancé par le Rassemblement national des indépendants (RNI), le Parti authenticité et modernité et le parti de l'Istiqlal. Bien évidemment, ces formations sont proches du palais, mais ce n'est pas un argument suffisant pour expliquer cette déroute des islamistes, d'autant plus que ces formations politiques ont eu à partager le gouvernement avec eux. D'autant plus, également, que le PJD, version Saâdedine El-Othmani, qui a succédé à Benkirane, "sur décision du roi", n'a pas dérivé pour devenir frontalement dans l'opposition, mais plutôt comme un parti consensuel. En opposition avec ses positions radicales et tranchées lorsqu'il était dirigé par Benkirane. Ce qui, selon les observateurs, a donné l'occasion à l'aile "religieuse" du parti de monter au créneau provoquant des divisions au sein de la formation politique partagée entre sa proximité avec le palais royal et son idéologie islamiste au minimum, par exemple, hostile à la normalisation avec Israël. Le PJD, avec ses 12 sièges, arrive loin derrière, le Rassemblement national des indépendants (RNI) avec 97 sièges, le Parti authenticité et modernité (PAM) 82 sièges, et le Parti de l'istiqlal avec 78 (sur 395 députés). Le RNI, qui appartient à la coalition gouvernementale, est dirigé par un homme d'affaires fortuné, Aziz Akhannouch, qui est proche du palais. Et le PAM, principale formation de l'opposition, a été fondé par l'actuel conseiller royal, Fouad Ali El-Himma, en 2008, dont il a démissionné en 2011. Le Parti de l'istiqlal est, lui, le plus ancien parti du Maroc. La même tendance s'est confirmée avec les résultats des élections locales, qui se sont déroulées en même temps que les législatives, ce mercredi. Le parti islamiste n'a pas pu réaliser un score pour se maintenir en haut du tableau. Bien au contraire, il a dégringolé avec la même brutalité qu'aux législatives en n'enregistrant que 18 maigres sièges contre 174 lors des précédentes élections locales en 2015. Devant cette débâcle, l'ex-chef de gouvernement et ancien patron du PJD, Abdelilah Benkirane, a appelé M. El-Othmani à démissionner après la déroute du parti. "Après avoir appris la douloureuse défaite que notre parti a subie, le secrétaire général du parti doit en endosser la responsabilité et présenter sa démission", a-t-il écrit, jeudi, sur sa page Facebook. Même s'il accuse son successeur d'être responsable de cet échec électoral ouvertement, Benkirane ne pointe pas du doigt, comme l'ont suggéré les observateurs, la compromission du parti avec le régime. Le chef du parti victorieux, le RNI, ministre de l'Agriculture depuis 2007, M. Akhannouch, une des premières fortunes du royaume, a salué, dès l'annonce des résultats, ce jeudi, "une victoire pour la démocratie" et "une expression explicite de la volonté populaire pour le changement". Une réaction qui vient conforter la quête du pouvoir et du royaume d'une issue pour se faire oublier, faire oublier les derniers événements qui ont détruit son image idyllique d'un royaume ouvert et amical. Suite aux événements du Rif réprimés dans le sang et au scandale du logiciel Pegasus, le régime marocain s'est fait des ennemis, y compris parmi les pays qui l'ont toujours soutenu, adoubé et toléré ses excès. Et c'est à l'effacement de cette hideuse image que le régime avec ses alliés, qui ont aujourd'hui la majorité parlementaire, va s'attacher en tant que mission prioritaire. Et, partant, pourra-t-il se présenter comme le seul pays à réussir à dégager les encombrants islamistes du pouvoir par la voie démocratique. Mais la déroute des islamistes de toute la région d'Afrique du Nord a commencé bien avant, avec leurs échecs répétés dans la gestion des affaires publiques jusqu'à cette cuisante défaite du PJD marocain. Ils étaient en perte de vitesse depuis des années, mais le Printemps arabe leur a servi de tremplin, et prolongé ainsi leur survie politique.