Les surcoûts exorbitants que génèrent les réévaluations récurrentes des projets d'équipements publics pèsent lourdement sur le budget de l'Etat. Un véritable gouffre financier, mais aussi une source de gabegie. Les opérations de réévaluation à répétition des projets d'équipements publics ont coûté à l'Etat 8 908 milliards de dinars sur la période 2005-2020, soit une moyenne de près de 600 milliards de dinars par an. Le chiffre a été communiqué, jeudi, par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, lors d'une plénière consacrée à ses réponses aux questions des députés sur le plan d'action du gouvernement. Les effets pervers de la politique d'expansion budgétaire qui a marqué les 20 dernières années ne sont plus un tabou. Certes, le pays avait un besoin criant en infrastructures et investissements. La dépense publique de la décennie 2000, voire jusqu'en 2015 — années marquées par une hausse des cours mondiaux du pétrole — a donné lieu à de multiples fléaux économiques, à l'image de la corruption, de la gabegie et du gaspillage des ressources financières. Bien que les budgets étaient codifiés par une loi de finances principale et une loi de finances complémentaire, devenue une règle, les gouvernements de l'époque semblaient se ménager des marges de manœuvre supplémentaires afin de réévaluer des projets d'équipements et des autorisations de programme. Le montant des surcoûts générés par la réévaluation à répétition des projets, communiqué, jeudi, par le Premier ministre, donne le tournis et renseigne sur une pratique érigée en règle dans la budgétisation et la gestion des programmes d'investissement public. On parle ici d'une dérive qui représente près de 80 milliards de dollars en quinze ans, soit près du double du solde actuel des réserves de changes. Dans ses rapports d'appréciation sur l'exécution des budgets, la Cour des comptes a, pourtant, à maintes reprises, sonné le tocsin quant aux surcoûts résultant des réévaluations successives des projets. Pratiquement tous les ministères et les institutions de l'Etat s'adonnaient à cette pratique pourtant si nuisible à l'économie. Dans certains cas cités par la Cour des comptes, le taux de réévaluation des autorisations de programme atteignant les 1000%. Dans leurs différents rapports, les magistrats financiers de la Cour des comptes ont écrit que l'absence ou l'insuffisance de maturation des opérations d'investissement, notamment en matière des études des projets, a été à l'origine de réévaluations répétées des opérations d'équipement. "L'examen par la Cour des comptes des budgets d'équipement a permis de relever qu'un nombre important d'opérations a fait soit l'objet de réévaluations, soit de restructurations et, dans certains cas, les deux à la fois, durant la phase de réalisation des projets et parfois même avant le lancement des travaux d'exécution. Les modifications opérées ont porté le plus souvent sur les coûts, la consistance physique des travaux, les délais d'exécution ou encore sur la structure des projets", a écrit l'institution dans son rapport d'appréciation de l'exécution du budget de l'année 2015. Les importations des services à coups de 10 à 12 milliards de dollars annuellement n'ont pas servi, semble-t-il, à anticiper les surcoûts à travers une bonne maturation et une gestion efficiente des projets. La pratique de la surfacturation et de la réévaluation des projets a été l'une des caractéristiques de la gouvernance économique des années post-2000.