Les fortes réévaluations qui accompagnent souvent la mise en œuvre de projets d'équipements publics, grands ou petits, suscitent appréhensions et inquiétudes quant à la gestion de l'argent de l'Etat. Surcoûts, retards dans la réalisation, malfaçons et parfois scandales de corruption, comme dans le cas édifiant du projet de l'autoroute Est-Ouest, sont ainsi devenus monnaie courante durant ces dernières années, concomitamment à l'expansion de la commande et de la dépense de l'Etat. En ce sens, faut-il relever, quand bien même l'état de santé des finances publiques n'est plus ce qu'il était du temps du pétrole cher, le budget prévu pour l'année prochaine induit une hausse significative de la dépense d'équipement avec, notamment, un plafond d'autorisation de programme d'un montant total de plus de 2270 milliards de dinars. Telles que ventilées à travers le projet de loi des finances pour 2018, qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain, ces dépenses prévisionnelles couvrent logiquement «le coût des programmes neufs susceptibles d'être inscrits pour l'exercice à venir», mais aussi et surtout de nouvelles «réévaluations» qui concernent, elles, nombre de projets déjà inscrits au titre du programme d'équipement en cours, dont, entre autres, certains lots du fameux projet d'autoroute Est-Ouest. Interpellé sur cette question à l'occasion des débats parlementaires sur la loi de finances 2018, l'argentier du pays, Abderrahmane Raouia, a soutenu que le coût des réévaluations a sensiblement reculé durant ces dix dernières années, tentant d'expliquer au passage que ce phénomène est souvent dû aux négligences liées aux études de réalisation des projets, aux opérations d'expropriation, dont le dédommagement prend souvent du temps, au manque du foncier ou encore au renchérissement des prix des matières premières. Retards et surcoûts… Répétitives et trop coûteuses, les pratiques de réévaluation impliquent pourtant pleinement le rôle des pouvoirs publics quant au suivi et au contrôle de l'allocation et de l'utilisation des ressources financières de l'Etat, ainsi que le mettent souvent en évidence les constats périodiques de la Cour des comptes. Dans son tout dernier rapport d'appréciation sur l'avant-projet de loi de règlement budgétaire, cet organe de contrôle révèle d'ailleurs que plus de 760 milliards de dinars ont été consacrés au financement des réévaluations de projets au titre du budget de l'Etat de 2015, soit plus de 21% des dépenses totales affectées à l'investissement au cours du même exercice. Aussi, est-il indiqué dans ledit rapport : «L'appréciation par la Cour des comptes des conditions de gestion, d'exécution et de suivi des crédits affectés et au titre du budget d'équipement a permis de faire ressortir un ensemble de lacunes et d'insuffisances touchant particulièrement les conditions d'inscription des opérations d'équipement public, de maturation des études d'avant-projets détaillés (APD), ainsi que de la mise en œuvre et du suivi des programmes d'investissement.» Globalement, la Cour souligne que «bon nombre de projets d'investissement se caractérisent par des retards considérables dans leur exécution et leur achèvement, aux conséquences non négligeables sur les coûts, les délais de réalisation et même sur l'atteinte des objectifs de développement assignés aux différents programmes». Les délais fixés initialement «sont largement dépassés, atteignant dans certains cas plus de dix ans», tranche en définitive la même instance. Et d'alerter enfin qu'un nombre important d'opérations ont fait soit l'objet de réévaluations, soit de restructurations et dans certains cas les deux à la fois, durant la phase de réalisation des projets «et parfois même avant le lancement des travaux d'exécution». Un constat édifiant en somme, surtout quand on sait l'ampleur des retards de développement que continue à accuser le pays, mais aussi la tendance accélérée au tarissement des ressources financières publiques, suite à la chute des prix du pétrole.